Au Mali, la junte militaire au pouvoir a réclamé aux Nations unies le retrait sans délai de leur mission de paix dans le pays, la Minusma, a annoncé vendredi le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, devant le Conseil de sécurité.
Le Mali a réclamé vendredi 16 juin devant le Conseil de sécurité de l’ONU le « retrait sans délai » de la mission des Nations unies sur son territoire (Minusma), qui selon son chef devient ainsi « presque impossible ».
« Le réalisme impose le constat de l’échec de la Minusma dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire », a déclaré le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop devant les membres du Conseil qui doivent se prononcer le 29 juin sur un renouvellement du mandat de la mission de maintien de la paix qui expire à la fin du mois.
« La Minusma semble devenir partie du problème en alimentant les tensions communautaires », et cela engendre un sentiment de méfiance des populations à l’égard de la Minusma et une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Minusma », a-t-il insisté, à deux jours du référendum organisé par la junte sur une nouvelle constitution.
Alors « le gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la Minusma. Cependant le gouvernement est disposé à coopérer avec les Nations unies dans cette perspective », a déclaré le ministre, rejetant toutes les options d’évolution du mandat de la mission proposées par le secrétaire général de l’ONU.
Ces déclarations posent des questions sérieuses sur l’avenir de la mission et de ses plus de 12 000 militaires et policiers.
La renouveler ou non « est une décision qui doit être prise par le Conseil » de sécurité, a noté le chef de la Minusma, El Ghassim Wane. Mais « le maintien de la paix est basé sur le principe du consentement du pays hôte, et sans ce consentement, les opérations sont presque impossibles » a-t-il déclaré à la presse.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, soulignant qu’un statu quo n’était pas viable, avait en janvier mis sur la table trois options, d’une augmentation des effectifs à un retrait total des troupes si des conditions clés n’étaient pas remplies, notamment la circulation sans entrave des Casques bleus et l’avancée de la transition politique.
En début de semaine, il a finalement recommandé au Conseil la solution intermédiaire : une « reconfiguration » de la mission pour la concentrer, à effectifs constants, sur un nombre limité de priorités.
Soutien de Moscou
La réunion de vendredi a montré une nouvelle fois les divisions au sein du Conseil de sécurité sur l’avenir de la Minusma, créée en 2013 pour aider à stabiliser un État menacé d’effondrement sous la poussée jihadiste, protéger les civils, contribuer à l’effort de paix, défendre les droits humains…
Plusieurs pays (France, États-Unis, Royaume-Uni…) ont apporté leur soutien à la Minusma.
« C’est un enjeu important pour le Mali mais aussi pour la stabilité de toute la région », a souligné l’ambassadeur français Nicolas de Rivière.
Selon le dernier rapport d’Antonio Guterres, les pays de la région sont également « favorables » à son maintien.
Et les trois pays africains membres du Conseil de sécurité (Mozambique, Ghana et Gabon) ont eux estimé vendredi que sa poursuite, « en coopération étroite avec les autorités maliennes, est essentielle pour consolider les avancées vers une paix durable ».
Mais la Russie, qui dispose d’un droit de veto au Conseil, a elle apporté son soutien à la junte malienne, qui s’est tournée militairement et politiquement vers Moscou. « Nous pensons que toute proposition ici devrait être basée sur l’opinion du pays hôte », a déclaré l’ambassadeur russe Vassili Nebenzia.
« Le vrai problème n’est pas le nombre de Casques bleus mais leur fonction. L’une des tâches clé du gouvernement malien est la lutte contre le terrorisme, ce qui n’est pas dans le mandat des Casques bleus », a-t-il une nouvelle fois regretté.
Comme le Mali, il a également jugé « ouvertement biaisé » le rapport du haut commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU sur l’opération antijihadiste à Moura en 2022.
Ce rapport accuse l’armée malienne et des combattants « étrangers » d’y avoir exécuté au moins 500 personnes. Si l’ONU n’identifie pas ces « étrangers », les Occidentaux accusent directement la société privée de sécurité russe Wagner.
« C’est aux autorités maliennes de transition de choisir ses partenaires mais soyons clairs, le groupe Wagner, qu’il opère indépendamment ou sous le contrôle direct de Moscou, n’est pas la réponse. Ni au Mali ni ailleurs », a déclaré vendredi l’ambassadeur britannique adjoint James Kariuki.
Avec AFP