Les banques représentent le cœur du système économique d’un pays. On ne peut donc parler de souveraineté économique, quand les principales banques du pays sont contrôlées par des capitaux étrangers.
En Afrique, colonisation oblige, les banques étaient effectivement contrôlées par les capitaux des puissances européennes. Mais, depuis les années 1980, la situation a évolué favorablement avec l’émergence des banques à capitaux majoritairement africains.
Toutefois, en Afrique francophone, les banques françaises étaient dominantes en raison de leur ancienneté .
Aujourd’hui, nous entamons une nouvelle phase historique avec le mouvement de retrait des banques françaises dans la plupart des pays africains où elles détenaient de solides positions. Qui prend leur relève ? Des groupes d’actionnaires africains.
C’est dans le secteur bancaire où le transfert de compétences managériales a été le plus réussi en Afrique.
Dans cette nouvelle dynamique, il y a des différences notables entre les pays. Hormis l’Afrique du Sud, c’est le Maroc et le Nigéria qui se taillent la part du lion. Le Sénégal et la Côte d’Ivoire se lancent dans le jeu, notamment avec la reprise des filiales du groupe bancaire français BNP respectivement par des privés sénégalais et l’État ivoirien. Qu’en est-il de la Guinée ?
Pour répondre à cette question, nous constatons avec amertume que : l’État est introuvable.
Nos dirigeants n’ont qu’une seule ambition en prenant le contrôle du pays : s’enrichir.
Depuis les privatisations des années 1980, ils n’ont initié aucune politique pour favoriser la création des champions nationaux dans les secteurs économiques stratégiques.
Quand le groupe BNP a décidé de se retirer du marché guinéen, au ministère de l’économie et des finances, à la BCRG et à la présidence, personne n’a pensé à saisir cette occasion pour racheter ses parts afin de garder sous drapeau guinéen la BCIGUI où l’État est le deuxième actionnaire majoritaire après la BNP.
Après BNP, c’est la Société Générale qui est en train d’amorcer son retrait du marché africain. Le groupe bancaire français vient de céder sa plus grande filiale africaine au groupe marocain Saham. J’ai lu dans la presse que les tractations sont en cours pour la cession de sa filiale guinéenne à Bank of Kigali. À coup sûr, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ne laisseront pas passer sous pavillon étranger les filiales sénégalaise et ivoirienne de la Société Générale.
Bank of Kigali symbolise le nouvel état d’esprit des dirigeants africains qui comprennent l’importance du système bancaire dans le développement économique de leurs pays.
Bank of Kigali a été créé en 1966 par un partenariat entre l’Etat du Rwanda et la banque belge Belgolaise (Fortis). En 2007, au départ de Fortis, le Rwanda rachète ses parts. Bank of Kigali est donc une banque dont l’actionnaire majoritaire est l’État rwandais.
L’État guinéen aurait dû faire de même avec la BICIGUI.
Ce que les États rwandais et ivoirien ont fait pour reprendre des banques contrôlées par des capitaux étrangers, pourquoi l’État guinéen ne le ferait-il pas ? Trouvez-vous normal qu’une banque publique rwandaise reprenne la première banque guinéenne dans l’indifférence ou avec le soutien du gouvernement guinéen ?
En ce moment, nous ne pouvons que prendre acte de l’incurie des dirigeants de facto du pays. Par contre, dès que nous serons au pouvoir, les deux anciennes filiales de BNP et Société Générale seront reprises par l’État quitte à proposer pour une période transitoire l’assistance technique de leurs anciennes maisons mères. Le marché bancaire est ouvert à tous les acteurs étrangers. Toutefois, il est vital qu’au moment où partout en Afrique on assiste à la reprise du contrôle national des principales banques, que la Guinée ne suive pas cette nouvelle dynamique économique.
Nous devons prendre conscience des lourdes conséquences politiques et économiques pour notre pays d’être dirigé par des médiocres. C’est le peuple de Guinée qui est le dindon de la farce. Regardez par vous-mêmes l’immense gâchis de ce pays qui était destiné à être l’une des locomotives de l’économie ouest africaine.
Par Alpha Saliou Wann