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Massacre du 28 septembre : peut-on vraiment faire confiance à nos juges ?

Que voulez-vous que je dise encore sur cette tuerie de masse, ce drame vécu par nos compatriotes, particulièrement des femmes violées à ciel ouvert. Des hordes barbares ont envahi le stade ce triste jour du 28 septembre 2009 pour y déverser leur haine et faire subir aux manifestants une violence inimaginable. Oui, les mots nous manquent pour exprimer l’horreur.

Ça fait dix ans de refus de rendre justice, dix ans de lâcheté, car nous avons accepté le triomphe de la bestialité sur les droits inaliénables des citoyens.

Notre pays n’a pas eu de chance, voilà 61 ans que nous sommes sous la coupe de dirigeants-vampires qui ne survivent que grâce à notre sang. Ils sont assoiffés de sang.

Je suis pessimiste pour l’avenir. Les élites s’en fichent du respect des Droits de l’Homme, c’est le pouvoir qui les intéresse. Ils ont enjambé des cadavres pour accéder au pouvoir en oubliant de bâtir ne serait-ce qu’une stèle en mémoire de nos martyrs. En 9 ans, aucune manifestation d’envergure pour réclamer justice pour les victimes, seule l’association Pottal Fii Bhantal Fouta Djalon les organise annuellement pour rappeler la communauté internationale à ses responsabilités. On n’a jamais compris d’ailleurs la complaisance de la CPI envers le gouvernement qui fait de l’obstruction à la justice. Et que dire des juges qui ont requalifié en crimes ordinaires les faits unanimement reconnus par le monde entier de crimes contre l’humanité. Ils ont osé franchir ce pas.

Alpha Condé était parmi les partisans déterminés au sein des Forces vives pour organiser cette manifestation. Après sa prise de pouvoir, que fait-il? C’est de nommer dans son gouvernement des officiers nommément cités dans le rapport d’enquête de l’ONU comme les présumés responsables du massacre. Il les a maintenu en fonction après leur inculpation par le pool des juges d’instruction chargés de l’affaire. Nous avions accepté sans réagir cette félonie. Dès que les journalistes internationaux évoquent l’affaire du 28 septembre, il s’enflamme, mais que nous cache-t-il?

Le discours de son premier ministre n’est qu’un écran de fumée pour gagner du temps, comme les promesses de jugement de l’ancien ministre de la Justice pour contenir les fortes pressions de la communauté internationale.

Nos juges si prompts à délivrer des mandats de dépôt pour une peccadille, ont considéré cette fois-ci que des inculpés pour crimes contre l’humanité peuvent être libres en attendant leur jugement. Peut-on leur faire confiance? Ils ont attendu que le capitaine Moussa Dadis Camara déclare sa candidature à l’élection présidentielle de 2015 pour déclencher les représailles : son inculpation. A deux reprises, Alpha Condé l’a empêché de se présenter devant les juges, ces derniers sont restés silencieux alors qu’ils ont théoriquement le pouvoir d’exiger son retour. Dans ces conditions, il est clair que la justice guinéenne n’est pas indépendante pour juger ce dossier complexe et explosif.

On aurait dû nous inspirer (il n’est pas encore tard) de l’expérience du Tribunal Spécial sur la Sierra Leone (TSSL) qui est basé sur un accord entre l’ONU et le gouvernement léonais, ratifié par le parlement léonais qui permet donc le jugement des responsables présumés de crimes contre l’humanité en Sierra Leone où les crimes ont été commis lors de la guerre civile. C’est ce schéma qui est le plus adapté pour le dossier du 28 septembre 2009.

C’est une erreur de la communauté internationale ( il est vrai, qu’elle ne peut pas s’impliquer plus que les acteurs nationaux emmurés dans leur indifférence ) de laisser gérer ce dossier par une justice nationale inféodée au pouvoir, qui manifestement ne veut pas que lumière soit faite dans cette affaire.

L’enjeu pour nous, c’est de mettre fin à l’impunité, pour que plus jamais que des Guinéens soient lâchement assassinés par leurs propres dirigeants.

Par Alpha Saliou Wann, analyste politique

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