Malgré l’engagement des autorités guinéennes, la justice se fait toujours attendre, onze ans après le massacre du 28 septembre 2009, au stade du même nom, à Conakry. Face à cette situation qui ronge les familles des victimes et les organisations de défenses de droits de l’homme, les Etats-Unis, la France et l’Union Européenne ont appelé le gouvernement guinéen à tenir un procès ‘’dans les plus brefs délais’’, dans un communiqué conjoint.
« Nous exhortons le gouvernement guinéen à tenir un procès dans les plus brefs délais afin que les responsables de ce crime odieux répondent de leurs actes devant un tribunal. Le fait de veiller à ce que le système rende justice à ces victimes ainsi qu’à tous ceux ayant souffert d’autres actes de violences politiques, démontrera l’engagement du gouvernement guinéen à promouvoir la paix, à rejeter toutes les formes de violences et à défendre l’Etat de droit »
Le 28 septembre 2009, peu avant midi, plusieurs centaines d’agents des forces de sécurité ont ouvert le feu sur des dizaines de milliers de personnes rassemblées pacifiquement au stade du 28 septembre, pour protester contre l’intention de Moussa Dadis Camara, alors chef de la junte au pouvoir, de se présenter à l’élection présidentielle, tuant ainsi plus de 150 personnes.
Les forces de sécurité ont également violé des femmes, individuellement ou collectivement, y compris au moyen d’objets tels que des matraques ou des baïonnettes.
Elles se sont ensuite attelées à une opération organisée de dissimulation, dans le but de cacher l’ampleur des tueries, en bouclant tous les accès au stade et aux morgues et en emportant les corps pour les enterrer dans des fosses communes, dont beaucoup doivent encore être identifiées.
L’enquête menée par des juges d’instruction guinéens, ouverte en février 2010 a été bouclée fin 2017.
En avril 2018, un comité de pilotage chargé d’organiser le procès avait été mis en place par l’ancien ministre de la Justice, Cheick Sako. Ce comité a décidé qu’il se tiendrait à la Cour d’appel de Conakry. Mais, plus de deux ans après la clôture de l’enquête, la date du procès n’est toujours pas fixée.
Plus de 13 suspects ont été inculpés dans ce dossier, dont Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte appelée Conseil national pour la démocratie et le développement,( CNDD) ainsi que son vice-président, Mamadouba Toto Camara.
Plusieurs individus inculpés de charges liées aux homicides et aux viols occupent toujours des postes d’influence, y compris Moussa Tiégboro Camara, Secrétaire général chargé des Services spéciaux de lutte contre le grand banditisme et les crimes organisés.
L’aide de camp de Dadis Camara, Abubakar « Toumba » Diakité, a également été inculpé. Il a été extradé vers la Guinée en mars 2017, après plus de cinq ans de cavale.
Quatre autres individus sont en détention à la Maison Centrale de Conakry, respectivement depuis 2010, 2011, 2013 et 2015 dans le cadre de l’affaire.
Mais leur détention provisoire est jugée illégale par les ONG de défense des droits humains, « dans la mesure où elle excède la durée maximale prévue par la loi guinéenne, soit 18 à 24 mois en matière criminelle, en fonction du chef d’inculpation ».
Par Alpha Diallo