La mobilisation pour soutenir les victimes du déguerpissement de Kaporo rails ne cesse de grandir. C’est dans cette optique que l’opposant Alpha Saliou Wann lance une proposition afin de trouver un toit pour chaque victime.
Ainsi, il préconise la mobilisation de 300 milliards (trois cent milliards de francs pour) pour construire un complexe résidentiel moderne composé d’une dizaine d’immeubles pouvant accueillir 600 familles au moins, avec parc (disposant des terrains de jeux) et une école à l’image de ce qui se fait dans les pays développés.
Comment mobiliser ce montant ? Lisez :
Mes chers compatriotes.
La décision majeure, la plus marquante du général Lansana Conté et de ses frères d’armes du CMRN a été celle de garantir pour tous les Guinéens : la liberté de rentrer et sortir librement du pays sans crainte d’être arrêté ou d’être fusillé, notamment aux frontières et le droit de propriété. Elle a changé en profondeur notre pays depuis le 3 avril 1984. Les Guinéens ne se sont pas fait prier, ils ont saisi cette occasion pour investir massivement pour améliorer leur condition de vie en termes d’habitat, d’équipements collectifs comme les écoles, les centres de santé, lieux de cultes etc. Malheureusement, il n’y pas eu de rupture dans la gestion de l’Etat. Les dirigeants sont restés fainéants, incompétents, corrompus et dépourvus de toute ambition de transformer la Guinée en un pays prospère où il fait bon vivre. Les investissements timides d’investisseurs privés étrangers ont fini par tarir rapidement en raison de l’absence d’une gestion saine de l’économie. C’est ce droit de propriété qui a été remis en cause brutalement en 1998 par la casse de Kaporo rails et celle en cours en ce moment.
Les dirigeants se sont contentés de dire aux Guinéens : vous êtes libres de faire ce que vous voulez et l’Etat les a accompagné dans le désordre, dans un environnement où les lois et règlements ne servent à rien. Les populations sont abandonnées à elles-mêmes, les dirigeants du pays, à tous les niveaux, se sont créés des baronnies pour se payer sur la bête, de fait, ils ont privatisé l’Etat. Le contraste est saisissant entre les espaces privés où les populations se sont créées un environnement agréable et les espaces publics complètement en décrépitude avec le constat amer de l’absence de l’Etat. Or, sans l’Etat, c’est le chaos. Parce qu’il n’y a plus d’Etat régulateur de toutes les activités, nous avons détruit notre pays. Notre capitale Conakry est devenue une poubelle géante, il n’existe aucun contrôle qualité sur les produits alimentaires importés massivement (causant de graves problèmes de santé publique), des destructions de l’environnement, les rivières disparaissent, les fleuves et la biodiversité sont menacés. Les gardes forestiers recrutés par le pouvoir, n’ont aucune formation, ni de conscience professionnelle, ils sont les organisateurs de la destruction de nos forêts. Ils n’ont aucune idée de la gravité du changement climatique qui frappe plus durement les pays pauvres qui n’ont pas les moyens de l’atténuer. Partout à l’intérieur du pays, les tronçonneuses ronronnent, même les arbres fruitiers comme les manguiers n’échappent pas à leur furie. Tous ces périls risquent de nous conduire à fuir notre pays dans un avenir non lointain en tant que réfugiés climatiques. Telles sont les conséquences dramatiques de la défaillance de l’Etat.
Je reviens sur la crise actuelle née des destructions des maisons de nos compatriotes à Kaporo rails. C’est le symbole de la déliquescence de l’Etat. Par décret No 212/PRG/SGG/89 du 23 novembre 1989 modifiant et complétant le décret No 182/PRG/SGG/89 du 16 octobre 1989, le gouvernement avait créé des réserves foncières au profit de l’Etat. Ce décret n’a été appliqué que sur le point des ouvertures de route, pour le reste, ce même Etat qui a exproprié des citoyens, s’est permis de délivrer, à travers le ministère de l’habitat et de l’urbanisme, des titres de propriété et les autorisations de construire à nos compatriotes dans ces zones réservées. Les entreprises publiques SEG et EDG ont distribué l’eau et l’électricité aux habitants de ces zones. Et voilà, un beau matin, nos dirigeants décident de récupérer ces domaines en violation de nos lois (pour le cas présent, violation de l’article 13 de notre Constitution). Vingt ans après la première casse de Kaporo rails, nous savons maintenant que c’était une opération de règlement de compte politique étant donné que rien n’a été fait pour justifier le mobile des destructions. La casse en cours est aussi un règlement de compte politique doublé d’un parfum d’affairisme. Ce pouvoir a déguerpi des familles, notamment de fonctionnaires à Boulbinet des deux tours jumelles, à Camayenne, les cités douane et police pour livrer ces domaines publics à ses partenaires étrangers, c’est ce qui est prévu en réalité pour Kaporo rails.
Face à cette situation de désolation pour de nombreuses familles, l’indignation ne suffit pas, il faut agir. L’urgence, c’est d’apporter une réponse forte de solidarité nationale aux victimes.
J’ai lu dans les réseaux sociaux de nombreuses réactions d’internautes qui tournent au ridicule la contribution personnelle de dix millions de francs de Cellou Dalein Diallo président de l’UFDG. C’est la conception particulière des Guinéens sur le leader d’un parti politique, qui doit être comme RAMBO pour financer seul son organisation et contribuer en son nom à toutes les cérémonies sociales. Au lieu de lui jeter une volée de bois verts et si nous faisons comme lui? Il y a quelques jours, l’idée m’est venue de vous proposer une vaste et puissante opération de solidarité nationale aux victimes de Kaporo rails. Ces derniers ont déjà mis en place, depuis quelques mois, un collectif pour se défendre contre les abus de l’Etat. Certainement, ce collectif a dû identifier toutes les victimes. En étroite collaboration avec ce collectif, nous devons créer une organisation dédiée à l’opération de solidarité nationale pour trouver un toit à chacune des victimes de l’arbitraire de l’Etat. Nous devons faire, pour une fois, preuve de professionnalisme. Ne nous dispersons pas, il faut une organisation qui coordonne les différentes initiatives pour un but précis : trouver un toit pour les victimes.
L’objectif de l’opération est de mobiliser au minimum 300 milliards (trois cent milliards de francs pour) pour construire un complexe résidentiel moderne composé d’une dizaine d’immeubles pouvant accueillir 600 familles au moins, avec parc (disposant des terrains de jeux) et une école à l’image de ce qui se fait dans les pays développés. Nous pouvons le faire, vite et bien.
Comment mobiliser ce montant ?
Je suis convaincu que 15000 Guinéens résidant en Guinée et de la diaspora (en Europe, Afrique, Amérique et Asie) peuvent contribuer chacun comme Cellou Dalein Diallo en donnant généreusement dix millions, soit 150 milliards de francs (cent cinquante milliards de francs). De même, un million de Guinéens résidant en Guinée et de la diaspora peuvent contribuer chacun en donnant généreusement 150.000 (cent cinquante mille francs, environ 14€, $15 et 9375 fcfa pour les résidents à l’étranger) soit 150 milliards de francs (cent cinquante milliards de francs). Pour faciliter les paiements, l’opération de mobilisation des fonds peut s’étaler sur six mois, ce qui donnera des paiements mensuels de moins de 200 dollars ou euros pour le premier groupe de contributeurs et 25.000 francs, moins de 3 dollars, 3 euros et 1600 fcfa. C’est raisonnable et facile à supporter pour chacun d’entre nous. Il est fort possible qu’on ait atteint le chiffre de 5 millions d’abonnés des compagnies de téléphonie en Guinée, donc c’est dans ce vivier de clientèle que nous trouverons nos potentiels contributeurs. C’est une question de volonté et d’organisation. Nous ne devons pas faire comme l’Etat brouillon et corrompu qui est incapable depuis 1998 de construire une nouvelle cité administrative moderne à Koloma, Alpha Condé a pourtant visité la nouvelle ville de Diamniado au Sénégal. Il ne nous a proposé aucun programme précis et son mode de financement. Il n’a posé aucune brique pour les logements sociaux contrairement à ses pairs de Côte d’Ivoire et du Sénégal. Pour tout argument, ils scandent à l’unisson comme un slogan : nous allons récupérer les domaines de l’Etat. C’est dangereux de confier les rênes du pouvoir à des individus qui n’ont pas conscience des responsabilités que cela implique. Ces ignorants martèlent à chaque fois qu’ils s’apprêtent à violer nos droits, « nous allons restaurer l’autorité de l’Etat », ils ne savent pas que l’Etat lui-même est soumis au droit, donc que les dirigeants ont l’obligation de respecter strictement les lois du pays. Un simple décret ne peut pas remettre en cause le droit de propriété des citoyens en violation des dispositions de la Constitution. Ceux qui s’agitent, pour dire que ces domaines sont une propriété de l’Etat, ne savent pas qu’à l’origine, c’est l’Etat qui a exproprié les propriétaires de ces domaines par ce décret cité plus haut, sans tenir ses engagements, notamment indemniser ou recaser ceux qui ont déjà construit sur les lieux. A Kaporo rails, on n’a pas à faire à des quartiers précaires où des citoyens ont occupé illégalement des terrains pour y construire des abris de fortune. Sous les décombres, c’est en valeur des milliards de francs partis en fumée, fruits du dur labeur de citoyens ordinaires qui ne sont pas nourris aux mamelles de l’Etat contrairement à ceux qui ont pris la décision de casser leurs maisons. L’Etat guinéen est poursuivable devant les tribunaux nationaux et internationaux.
Revenons à l’essentiel après cette digression pour expliquer que le droit a été bafoué par le gouvernement.
L’organisation dédiée à l’opération solidarité nationale aux victimes doit lancer des appels d’offres internationaux pour choisir le cabinet d’architectes et l’entreprise de BTP chargés de réaliser le projet.
Je ne vois pas de meilleure réponse à ces petits dirigeants méchants, haineux et incompétents. Mais, nous ne devons pas nous limiter à cette action bienfaitrice, bien au contraire, il faut poursuivre l’Etat guinéen devant la Cour de justice de la CEDEAO pour le faire condamner et le faire payer des dommages et intérêts à la hauteur des dégâts matériels et moraux qu’il a fait subir à ses propres populations. Nous pourrons ainsi vendre le montant de la condamnation à des institutions financières appelées pudiquement « Fonds vautours » qui ont les moyens de pression dissuasifs pour faire payer l’Etat le montant de sa condamnation. Nos avocats plaiderons auprès de la Cour pour que les dommages et intérêts soient plus élevés que le montant de nos dons. Pour mettre fin à l’impunité des Etats, il faut les frapper au porte-monnaie. Les fonds récupérés seront investis pour recaser d’autres victimes. Le pouvoir exécutif a caporalisé l’appareil judiciaire, il ne nous reste plus qu’à faire appel aux juridictions internationales pour rendre justice aux victimes, d’autant plus que notre Constitution proclame l’adhésion de l’Etat à tous les textes fondamentaux et des conventions internationales sur les Droits de l’Homme, notamment celles de la CEDEAO et de l’UA. Ne nous privons pas de cette aubaine.
Je vous rappelle que les ONG internationales comme Médecins sans Frontières, Action contre la Faim, Plan Guinée, pour ne citer que celles-ci, sont financées par les dons des contribuables occidentaux. Nous suivons tous l’opération annuelle de solidarité du Téléthon en France pour financer les projets de recherche sur les maladies génétiques neuromusculaires et d’autres maladies génétiques rares. Pourquoi, sommes-nous incapables d’en faire autant pour nos catégories sociales défavorisées ou des victimes comme celles de Kaporo rails ?
N’écoutons plus les sceptiques, si nous réussissons cette opération, ça sera sans précédent en Afrique. C’est un acte symbolique fort, une forme de résistance silencieuse et puissante qui peut ébranler profondément ce pouvoir irrespectueux des lois de la République. Nous devons nous réveiller et cesser de subir avec fatalisme les décisions illégales du pouvoir.
Je vous conseille de ne pas prêter attention au chiffre faramineux de 300 milliards de francs, mais que chacun se dise dans son fort intérieur, est-ce que je peux donner 25.000 francs par mois jusqu’à atteindre le montant de 150.000 francs pour cette bonne cause? C’est plus facile de se concentrer sur ce que nous pouvons faire à titre individuel que de spéculer sur l’importance du montant total. C’est l’ensemble de nos volontés qui nous permettra de relever la tête face aux humiliations que nous infligent ces dirigeants qui ont perdu toute forme d’humanité. Nous sommes affaiblis, parce que nous ne sommes pas solidaires. C’est la solidarité qui fait la force des nations puissantes. Je vous prie de tout mon cœur de faire un effort pour faire ces dons, c’est un acte qui a le pouvoir d’exorciser le mal qui nous étreint depuis tant d’années.
C’est ma proposition pour donner une leçon à ce pouvoir irresponsable et de témoigner au monde que nous sommes dignes et solidaires. Nous sortirons renforcés de cette épreuve.
J’avais fini, mais je reviens encore revoir ma copie. J’avoue que j’ai été rattrapé par mes doutes. Voilà, c’est ainsi, n’oubliez pas que tout au long de notre sanglante histoire, nous sommes restés collectivement indifférents, voire approbatifs face aux malheurs de ceux de nos compatriotes qui ont subi les pires violences de l’Etat, des tueries, des vies brisées et des destructions innommables ont eu lieu dans notre pays. C’est pourquoi, j’ai dit plus haut, que nous devons exorciser le mal. Je suis donc obligé de réduire la voilure, car certains me répondront avec sarcasme, peut-être avec juste raison, où trouver un million de Guinéens donneurs pour un tel montant? Oui, c’est vrai, à un million, il faudra forcément que des compatriotes à petits revenus participent, or ils sont tellement assailli par les difficultés du quotidien, que même donner 25.000 francs par mois paraîtrait compliqué pour eux. Il faut donc se tourner vers les plus fortunés et passer de 15.000 à 30.000 personnes. Je suis persuadé qu’on trouvera 30.000 Guinéens, résidant en Guinée et à travers le monde, capables de donner 10.000.000 (dix millions de francs) pour atteindre le chiffre de 300 milliards (trois cent milliards de francs). Par expérience, je sais qu’il faut fixer des quotas, notamment pour cette catégorie qui en a la possibilité. L’association ouvrira des comptes dans les banques locales et dans les banques internationales présentes dans les cinq continents.
Cette philanthropie ne sera pas totalement gratuite. En occident, les personnes physiques et morales qui font des dons pour des œuvres de bienfaisance ou d’utilité publique, bénéficient d’exonérations fiscales. De notre côté, lorsqu’on aura un gouvernement responsable, les futurs donneurs de cette opération ne seront pas oubliés. Nous trouverons des moyens pour les récompenser pour cette bonne action humanitaire. C’est une avance qu’ils feront à l’Etat.
Voilà, nous comptons sur 30.000 Guinéens pour donner dix millions de francs chacun sur une période de six mois. Cela n’exclut pas tous les autres qui peuvent donner le peu qu’ils ont en solidarité pour les victimes de l’arbitraire étatique.
Je vous remercie.
Par Alpha Saliou Wann, président de l’AFD