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Guinée : une médiation religieuse peut-elle sortir le pays de l’impasse politique ?

La coalition d’opposition guinéenne réunissant des partis politiques et des mouvements de la société civile reporte d’une semaine, soit du 9 au 15 mars, sa « marche pacifique » dans la capitale Conakry. Objectif : donner une chance à une médiation religieuse qui tente de rétablir un dialogue politique pour éviter la confrontation dans la rue. Le pouvoir militaire interdit toute manifestation.

Une semaine de report. C’est le délai que les Forces vives de Guinée ont annoncé in extremis mercredi soir dans un communiqué, à la veille d’une « marche pacifique » prévue le 9 mars dans la banlieue de Conakry dans un pays sous haute tension entre pouvoir et opposition, un an et demie après le coup d’Etat contre le président Alpha Condé et l’accession au pouvoir du colonel Mamadi Doumbouya à la tête du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD).

Le pouvoir interdit toute manifestation alors que l’opposition demande la levée de cette interdiction ainsi que l’arrêt des poursuites judiciaires contre les opposants. Réunissant partis politiques et mouvements de la société civile, la coalition des Forces Vives de Guinée (FVG) de l’opposition justifie son report de dernière minute par la médiation religieuse à l’œuvre et ainsi « donner toutes les chances de réussite aux démarches menées par l’équipe du ministre secrétaire général des Affaires religieuses (gouvernement) et l’imam de la Grande Mosquée de Conakry » dans ce pays à 85% musulman et pour le reste chrétien et animiste.

Une mission impossible pour la médiation religieuse ?

Cette mission est particulièrement délicate alors que le dialogue semblait réduit à néant. La précédente manifestation des Forces Vives de Guinée, le 16 février, avait donné lieu à des heurts faisant trois morts. Le FVG a donné rendez-vous à ses militants et partisans le 15 mars, offrant ainsi une semaine de répit pour la médiation. Rien n’indique que le délai sera suffisant pour apaiser le climat politique, car les points de confrontation sont nombreux.

Les contours de la transition tels qu’ils ont été définis par le régime du colonel Doumbouya sont en jeu, alors que le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a prévu de rendre le pouvoir au civil à l’issue d’une période de deux ans à partir de janvier 2023.

 

Le gouvernement insiste sur le cadre du dialogue inclusif inter-guinéen qui avait été boycotté par les principaux partis politiques.  Or, les Forces Vives de Guinée prônent un dialogue présidé par la Cédéao, de laquelle la Guinée est suspendue à l’instar du Mali et du Burkina Faso, théâtre de coups d’État militaires. En décembre, la Cédéao avait même avancé l’idée de délocaliser le dialogue politique guinéen dans un autre pays de la sous-région.

Plusieurs membres et personnalités de l’opposition sont poursuivies par la justice, en détention ou en exil, des poursuites qualifiées de « fantaisistes » par le communiqué des Forces Vives de Guinée (FVG). Dans une interview à un média guinéen, le porte-parole du gouvernement a réagi notamment aux « préalables requis » par les FVG. Il leur reproche notamment leurs conditions à un dialogue, dont la libération d’opposants détenus.

« Il faut s’accorder sur ceux que eux appellent prisonniers politiques, déclare le ministre des Postes, Télécommunications et de l’Economie Numérique et Porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo. Ce qui est clair, lorsque l’on a la bonne volonté de discuter, on sort des préalables. Et c’est ce qui est important. A partir du moment où on maintient des préalables, on pose des conditions, on fait des exigences, c’est que la volonté d’aller au dialogue n’est pas encore totale. »

Officiellement dissous par les autorités guinéennes, le Front National de Défense de la Constitution (FNDC) qui était autrefois le fer de lance de lutte contre le troisième mandat du président Alpha Condé, est farouchement opposé au pouvoir du régime du CNRD. Trois de ses dirigeants sont emprisonnés. Le mouvement a déposé plainte devant la justice française en septembre 2022 pour la répression meurtrière de manifestations anti-junte, puis devant la justice guinéenne en février 2023.

L’ex-parti du pouvoir, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG)- Arc en ciel d’Alpha Condé, est dans le collimateur de la justice guinéenne. Plusieurs ministres de l’ancien président sont emprisonnés, dont l’ex-Premier ministre, et en novembre 2022 le pouvoir a engagé des poursuites contre plus de 180 membres du RPG, dont l’ex-président Alpha Condé réfugié à Istanbul pour des soins avec l’accord des autorités guinéennes qui depuis ont annoncé un mandat d’arrêt contre lui.

Les Forces Vives de Guinée, une alliance circonstancielle ?

Contre le régime de transition du CNRD, les Forces Vives de Guinée rassemblent une coalition large mais hétéroclite de partis politiques qui étaient autrefois rivaux, notamment le RPG (Rassemblement du peuple de Guinée) d’Alpha Condé et l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) de Cellou Dalein Diallo et l’UFR (Union des forces républicaines) de Sidya Touré qui étaient ses principaux adversaires politiques. Cette alliance doit faire preuve de sa résistance au temps et aux revendications des uns et des autres. A cet égard, il faut souligner le discours de revanche d’Alpha Condé qui s’est confié récemment à un média guinéen depuis son exil d’Istanbul d’où il a appelé ses partisans à se mobiliser pour reprendre le pouvoir aux militaires.

Un dépit de cet agenda énoncé par l’ancien président, son parti s’est associé au mot d’ordre d’une manifestation pacifique des Forces Vives de Guinée, y compris aux côtés du FNDC, qui était la bête noire du régime déchu d’Alpha Condé. Mais le RPG était opposé au report, précise Karamo Nabé, secrétaire général France et coordinateur Europe de l’ancien parti du pouvoir. Selon lui, Alpha Condé est « très actif, il appelle directement les militants à la base et il échange avec certains responsables à l’intérieur et même avec notre coordination Europe ici le week-end dernier ».

Reste que les vélléités d’Alpha Condé de reconquérir le pouvoir sont aux antipodes des aspirations des autres membres du FVG. Les responsables du RPG comme Karamo Nabé en sont bien conscients. Et d’ajouter : « aujourd’hui on en est arrivé à la conclusion de mettre de côté le retour du président mais parler plutôt de retour à l’ordre constitutionnel ».

Par TV5monde

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