Dans un pays où le respect de l’État de droit devrait guider chaque décision administrative, le ministre du Travail et de la Fonction publique, vient d’offrir au peuple de Guinée un exemple de “légèreté institutionnelle”.
Par un simple communiqué, François Faya Bourouno a déclaré les journées du lundi 9 et du mardi 10 juin 2025 fériées, chômées et payées sur toute l’étendue du territoire national. Une décision présentée comme “exceptionnelle” , prétendument liée à la fête de Tabaski célébrée le vendredi 6 juin.
Mais que l’on ne s’y trompe pas, derrière cette annonce, ce n’est pas la religion ou la solidarité nationale qui motiverait cette mesure, mais bien un agenda politique et festif dissimulé ( la Mamaya de Kankan), événement traditionnel devenu ces dernières années, un carrefour politique très prisé.
Hasard ou coïncidence ? Cette année encore, tout le gratin du pouvoir, y compris le président de la Transition Mamadi Doumbouya et plusieurs ministres, y ont pris part. Et comme par enchantement, tout le pays est mis au repos, alors que l’administration est massivement délocalisée à Kankan.
Le plus grave dans cette affaire, ce n’est pas seulement la symbolique d’un État en pause pour satisfaire un groupe restreint de privilégiés. Mais, c’est l’illégalité flagrante de l’acte.
Comme le rappelle à juste titre un juriste que nous avons interrogé, le ministre du Travail n’a aucune compétence légale pour décréter un jour férié. Cette prérogative revient exclusivement au Président de la République, via un décret. En s’arrogeant un pouvoir qui ne lui appartient pas, François Faya Bourouno foule aux pieds le droit guinéen et expose l’État à des recours judiciaires fondés.
Cette décision, prise sans décret présidentiel, est non seulement illégale, mais également dangereuse sur le plan économique. Obliger les entreprises à rémunérer deux journées de congé supplémentaires, en dehors de toute base légale, c’est leur imposer un fardeau financier sans justification.
Combien de temps allons-nous tolérer que des décisions publiques soient dictées par des considérations festives?
La Transition était censée remettre l’État sur des rails institutionnels solides. Mais à cette allure, on assiste à une République à géométrie variable, où le droit cède face à l’opportunisme.
Cette dérive doit être dénoncée avec force. Car aujourd’hui, c’est deux jours ’’offerts’’ sans base légale. Et demain ? Combien de passe-droits seront encore tolérés au nom de l’exception ? À quand une administration respectueuse des règles qu’elle est censée incarner ?
La Guinée ne mérite pas un État festif à géographie mouvante. Elle mérite un État de droit tout court.
Par Alpha Binta Diallo
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