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En Guinée, la fièvre de l’or provoque de plus en plus des morts

Le terrain qu’ils creusaient s’est effondré sur eux. Au moins 15 mineurs sont morts le 8 mai dernier dans ce nouveau drame de la recherche d’or artisanale dans le nord de la Guinée. Les éboulements sur des sites aurifères sont fréquents et souvent meurtriers, en particulier dans cette région proche du Mali.

Lors d’une succession d’accidents, 17 orpailleurs ont été tués en février 2019, puis une dizaine d’autres en novembre de la même année. La cause est toujours la même, l’effondrement du boyau qu’ils étaient en train de creuser. Souvent, des enfants font partie des victimes. Leur petite taille leur permettant de se glisser dans la moindre infractuosité du terrain.

Ruée vers l’or

Généralement interdit partout dans le monde, l’orpaillage artisanal prend une toute autre dimension en Haute Guinée. Ici, il est légal. La pratique est observée dès le IXe siècle. Au XIIe siècle, sous l’empire Mandingue, l’exploitation de l’or était saisonnière et assurait des revenus complémentaires aux activités agricoles. Cet héritage culturel explique pourquoi cette activité perdure.

Mais depuis une trentaine d’années, on assiste à une véritable ruée vers l’or, sans doute en raison de l’envolée des cours du métal précieux et de la paupérisation des populations. Le nombre d’orpailleurs, toujours difficile à évaluer précisément, aurait été multiplié par cinq durant cette période.

Plus de deux cents sites d’orpaillage sont recensés sur le territoire guinéen, dans cinq préfectures à l’est du pays, près de la frontière avec le Mali (Dinguiraye, Kankan, Kouroussa, Mandiana et Siguiri), procurant des revenus à plus de 200 000 personnes. L’exploitation artisanale représente le tiers des exportations d’or du pays avec près de 12 tonnes, contre 18 tonnes pour l’exploitation industrielle.

Une vie par et pour l’or

Cet afflux bouleverse fortement les structures traditionnelles et coutumières de l’orpaillage artisanal. L’exploitation n’est plus saisonnière, mais désormais permanente. Les puits se sont multipliés, augmentant les accidents. De nouvelles populations sont arrivées, y compris des pays limitrophes, installant des campements près des mines. Progressivement, on a assisté à la sédentarisation de ces populations et au développement d’activités parallèles : petits commerces, transport, etc.

La revue Hommes et libertés rapporte une visite de terrain à Doko, haut lieu de l’orpaillage, en février 2018. « Des milliers de personnes étaient en activité sur ce site : enfants, femmes, hommes de tous âges. (…) Le niveau de poussière et de bruit est indicible. Des femmes, bébés dans le dos, remontent les paniers de terre ou lavent à grande eau le minerai pour y chercher les éventuelles pépites. Des fillettes et des jeunes garçons font du petit commerce ou aident leurs parents orpailleurs. »

Accord historique

Il fallait mettre de l’ordre dans tout cela, d’autant que les richesses extraites échappaient tant aux populations locales qu’à l’Etat. En 2017, orpailleurs, élus locaux, administration, sages et acteurs de la société civile parviennent à un accord historique : 20% des taxes prélevées sont consacrées au développement local. Au cœur du dispositif se trouvent les Tombolomas.

Historiquement défenseurs des villages et organisateurs des campagnes d’orpaillage, ils constituent aujourd’hui une institution villageoise qui régit toutes les affaires relatives à l’extraction de l’or et à la vie dans les camps d’orpailleurs. Ils distribuent les puits, réglementent les accès, sanctionnent les infractions et perçoivent les taxes.

Les droits humains bafoués

Mais tout n’est pas rose loin de là, comme le rappelle une étude menée par l’Organisation internationale des migrations (OIM). Les travailleurs migrants sont les premières victimes : exploitation, stigmatisation, violences, ou traite. Par manque de structures de prévention et de protection, les travailleurs migrants se trouvent dans des situations précaires de vulnérabilité extrême.

La pénibilité du travail dans les mines pose également des risques sanitaires importants, en raison de l’utilisation de produits toxiques. Enfin, l’orpaillage provoque aussi des dégradations environnementales pour les communautés autour des sites.

L’accès aux mines crée également des tensions. En Guinée, la recherche d’or artisanale cohabite, parfois difficilement, avec une exploitation industrielle. En avril dernier, des heurts ont provoqué la mort de deux personnes dans la cité minière de Kouroussa. L’interdiction de l’accès d’une mine d’or aux orpailleurs serait l’élément déclencheur.

Tensions

Le site appartient désormais à une entreprise mais n’est pas encore actif. « Se sentant donc trahis par leurs représentants, les orpailleurs artisanaux ont barricadé le centre-ville, brûlé des pneus et calcinés des véhicules. Ils ont aussi vandalisé les résidences du préfet et du maire de la ville et chassé les administrateurs locaux », rapporte RFI.

Des tensions qui, pour certains observateurs, ne vont pas cesser de croître à mesure que les autorités chercheront à reprendre la main sur l’exploitation de l’or. Lentement, l’exploitation industrielle s’étend. Les problèmes de sécurité des mineurs, mais aussi les considérations environnementales poussent à cette évolution. Les orpailleurs devront se trouver un nouvel Eldorado.

Par France TV

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