À chaque étape de sa campagne à travers la Guinée, il pointe sa montre: Cellou Dalein Diallo en est convaincu, son heure est enfin venue, après deux mandats d’Alpha Condé.
Entré dans l’arène politique après dix ans au gouvernement sous le général Lansana Conté (1984-2008), instruit par ses échecs en 2010 et 2015, Cellou Dalein Diallo s’est juré de ne plus retenir ses coups contre Alpha Condé pour le priver d’un troisième mandat controversé.
Frêle et invariablement élégant, dans des costumes classiques ou de grands boubous clairs assortis à des toques brodées, ou en saharienne lorsqu’il fait campagne, cet homme à la voix douce et aux allures de Gandhi ouest-africain se montre posé et courtois en privé.
Mais il se laisse aussi parfois gagner par la ferveur des masses de ses partisans redoutés, totalement acquis à sa cause, qui peuvent former d’impressionnantes marées humaines à Conakry.
Les détracteurs de Cellou Dalein Diallo l’accusent d’être un «pur produit du système Conté» et de s’être enrichi au pouvoir. Mais son camp valorise sa longue expérience de l’État.
Membre de l’ethnie peule, considérée comme la première du pays, il est issu d’une famille d’imams du village de Dalein (centre), où il est né. Il aime à rappeler que son grand-père était «le grand érudit Thierno Sadou de Dalein qui avait écrit 35 ouvrages en arabe».
Élevé au village, dans une famille nombreuse – son père avait «quatre femmes et une vingtaine d’enfants» -, il fréquente l’école coranique et l’école française, puis part à Conakry pour y étudier la gestion.
«Technocrate»
Cellou Dalein Diallo intègre ensuite la fonction publique, passant par la direction d’une société d’État sous le père de l’indépendance, le dictateur Ahmed Sékou Touré (1958-1984).
Sous le régime autoritaire de Lansana Conté, il rejoint la Banque centrale puis l’administration des grands projets à la présidence.
En 1996, il entre au gouvernement en tant que «technocrate», selon ses propres termes, comme ministre des Transports, puis enchaîne les portefeuilles, de l’Équipement jusqu’à la Pêche.
En décembre 2004, le général Conté, malade, le choisit comme premier ministre, lui offrant l’occasion de développer un vaste réseau de relations internationales.
Après dix ans au gouvernement, M. Diallo connaît une soudaine disgrâce en avril 2006, sur fond de luttes d’influence au sein d’un régime Conté finissant.
En 2007, il prend la tête d’un grand parti d’opposition, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).
À la mort de Conté, en décembre 2008, comme la plupart des dirigeants politiques, il prend acte du putsch, sans s’y opposer, pour favoriser une transition apaisée.
Mais la désillusion s’installe vite et le chef de la junte, Moussa Dadis Camara, fait de M. Diallo une de ses cibles.
Le 28 septembre 2009, au moment du massacre de 157 opposants, dont de nombreux militants de l’UDFG, par des militaires au stade de Conakry, il est roué de coups, grièvement blessé, et hospitalisé à Paris.
«Mandat cadeau»
En 2010, il paraît en passe d’être élu président dès sa première candidature, avec 43,69 % des voix, loin devant Alpha Condé, l’ancien opposant historique, avec 18,25 % des suffrages. Mais au terme d’un interminable feuilleton, Alpha Condé est proclamé vainqueur du second tour, organisé quatre mois plus tard.
Sous pression, pourtant convaincu de «truquages» massifs, Cellou Dalein Diallo, reconnaît les résultats, pour éviter un bain de sang, selon lui. «J’ai donné un mandat cadeau à Alpha Condé», résume-t-il aujourd’hui.
En 2015, il se présente «sans conviction» face à Alpha Condé, facilement réélu lors d’un scrutin entaché de fraudes, selon lui.
Il conclut alors une alliance électorale apparemment «contre-nature» avec Moussa Dadis Camara, inculpé peu après pour son rôle dans le massacre du stade de Conakry.
En 2019, l’UFDG participe activement à la mobilisation contre un éventuel troisième mandat d’Alpha Condé.
Malgré l’adoption en mars 2020, lors d’un referendum boycotté par l’opposition, d’une nouvelle Constitution, invoquée par le pouvoir pour légitimer une nouvelle candidature, Cellou Dalein Diallo se lance en septembre dans la course à l’élection présidentielle.
«L’UFDG a décidé de porter son combat contre le troisième mandat dans les urnes», explique-t-il.
Cette fois, la victoire ne peut plus lui échapper, en raison à la fois du «bilan catastrophique» d’Alpha Condé et d’une vigilance accrue des citoyens face aux risques de fraude, affirme-t-il.
Lui-même avoue en souriant avoir «accumulé beaucoup d’expérience, et surtout de volonté», en particulier celle, «beaucoup plus que par le passé, de gagner et de conserver sa victoire».
Le Journal du Montréal