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Dépiégez la transition guinéenne !

Toujours attentif à la marche du pays vers la démocratie, Lamarana-Petty Diallo  a coutume d’écrire que «gouverner, c’est savoir choisir avec qui faire équipe afin d’accomplir sa mission».

Cette fois-ci, il appelle à stopper la spirale de conflits, les ratages, les injustices et à dépiéger la transition.

En Guinée, les plumes se sont tues depuis un certain temps alors que parlent les armes. L’odeur du père déchu et en exil se mêle à celle de la poudre. Le pays semble de plus en plus pris dans un imbroglio fumeux. La situation ne paraît avoir ni clarté ni lisibilité encore moins de netteté.

L’espoir-les espoirs- de lendemains meilleurs s’éloigne à grands galops. Nous semblons tous être pris au piège : le peuple, le pays, la transition, les civils, les militaires. Tout le monde, quoi !

Alors que faire ? Se taire ? Dénoncer ? Proposer ? Faire des éloges comme le font bien d’autres pour créer l’illusion que tout va à merveille et enfoncer encore un peu plus un pays qui chavire ?

A mon avis, il convient plutôt de lancer des pistes de réflexion. D’émettre des propositions certes personnelles mais constructives et patriotiques. Faire, en toute objectivité, preuve d’un regard critique.

Toute chose qui ne soit des plus aisées dans un pays où les gens changent de bord ; retournent leur veste à chaque soleil qui se lève. Et Dieu sait qu’on a vu des soleils se lever et s’assombrir depuis un certain 22 décembre 2008. Qu’en est-il du dernier soleil qui a pointé le 5 septembre 2021 ?

De la transition

S’il n’est pas obligatoire de faire le bilan des acquis de cette transition, il serait nécessaire de relever certains manquements pour espérer faire renaître l’espoir.

La transition actuelle se voulait de faire sécher les larmes des Guinéens comme ils l’espéraient le 3 avril 1984 avec le Comité militaire de redressement national. La même promesse fut répétée en décembre 2008 avec le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD). Les Accords de Ouagadougou de janvier 2010 et les élections qui s’ensuivirent en juin et novembre de la même année ne dérogèrent pas à la règle. Mais faut-il reconnaître que pouvoirs civils et militaires se sont embourbés dans l’exercice de la gouvernance. Les espoirs se sont vite volatilisés dans les ratages, les échecs et les excès. Dans les larmes et le sang.

La transition actuelle devrait éviter de tomber dans les mêmes écueils. Même si elle ne semble emprunter le chemin, rien n’est encore tard.

Chacun d’entre-nous devrait œuvrer dans le sens de la réussite de la transition en cours dans la mesure où les oreilles des acteurs ne soient sourdes.  Que les esprits ne soient butés. Que les leçons soient tirées.

En tout état de cause, la Charte du 27 septembre 2021 doit être respectée dans l’entièreté de ses 5 titres ; ses 8 chapitres et 84 articles. S’il est incontestable que cette charte a été favorablement accueillie, la question de sa mise en pratique se pose. Entretient-elle encore l’espoir ? Ce dernier s’étiole-rait-il en revanche ?

Pour bien d’observateurs, il conviendrait de revoir la méthode et la démarche afin d’atteindre la finalité énoncée : la restauration de l’Etat de droit et le retour à l’ordre constitutionnel. S’y dirige-t-on réellement ?

Du dialogue dit inclusif

Le dialogue et la réconciliation sont le leitmotiv de tous les pouvoirs guinéens : transition ou pas.  Depuis 1984, la litanie revient. Tous les systèmes, pouvoirs et gouvernants l’ont galvaudé en en faisant leur devise.

Cependant, peut-on dialoguer quand l’autre côté de la table est vide ? Quand cette table du dialogue est remplie d’acteurs qui ne cherchent qu’à s’évincer mutuellement ?

Quand, certains partenaires tâtent les initiateurs de la réconciliation dans le sens du poil aux seules fins inavouées de décrocher un poste administratif ou ministériel ?

Un dialogue autour d’une table à moitié pleine, moitié vide, a-t-elle beaucoup de chance de réussir ? Surtout si des défalqués d’hier, des rebuts de tous les systèmes s’emparent de celui-ci dans l’espoir de renaître de leurs cendres ?

N’est-il pas visible que bien de personnes qui se sont accaparées du projet de dialogue et qui prétendent parler au nom du peuple ne représentent qu’eux-mêmes en réalité.

Quand le poids électoral d’un parti politique oscille entre 1 et 3%, comment voulez-vous qu’il épaule un système et contribue à sa réussite ?

Échapper aux griffes de la Crief ; avoir des per diem d’un dialogue interminable ; attirer la bienveillance et le regard du roi paraissent bien plus importants pour certains qu’une transition qui respecterait l’échéance.

A se demander si la fin heureuse d’une transition qui se voulait circonscrite dans le temps les arrangerait.

La transition actuelle devrait se méfier des loups alentour tout comme la basse-cour le ferait du renard.

Ces acteurs devraient faire la part entre vrais soutiens et guetteurs d’une éventuelle transition à venir. Surveiller les acrobaties de certains leaders bien ridés et pas mal futés devrait être l’une des précautions à prendre.  N’est-ce pas qu’un certain capitaine en paya les frais pour avoir manqué de vigilance ?

En un mot, le temps ne serait-il pas venu de rallonger la table de négociation pour plus de convives afin de rendre le dialogue réellement inclusif ?

Des droits et libertés fondamentales

Les droits consacrés par la charte de la transition sont l’un des pivots de la restauration de l’Etat de droit et le retour à l’ordre constitutionnel. Qu’en est-il, en toute objectivité ?

L’expression du droit et la liberté d’expression et d’opinion sont le fondement de la démocratie. La première doit se faire dans le respect des règles et principes édictés par le droit constitutionnel. La seconde ne doit souffrir d’aucune restriction. Certains observateurs estiment que la friction est à ce niveau.

D’un côté, une transition qui soutient faire prévaloir le droit. De l’autre, des acteurs de la société civile et des politiques qui prétendent le contraire en se disant harcelés ou menacés. Si ce n’est exilés.

Une chose difficilement discutable, cependant. Les manifestations ont repris de plus belle.  Les fusils crépitent. Les balles fusent. Les bombes ou gaz lacrymogènes enfument la cité. Les pierres pleuvent dans les quartiers. Des jeunes de la même entité ou composante nationale tombent blessés ou morts. Le temps ne serait-il pas venu que nous nous regardions les yeux dans les yeux pour mettre cette question sur la table ?

La cohésion sociale est de plus en plus menacée. Les choses ne semblent pas vouloir s’arranger tant les positions se radicalisent. A cela s’ajoutent des scénarios qui tournent autour de la taille d’un éventuel tombeur du maître de la cité.  Un diseur de sorts ébranle toute la nation.

Bref, fermons la parenthèse en se demandant à qui se fient les 90 à 95% des croyants, toute religion confondue. En un insignifiant prestidigitateur?  A Dieu, le Tout-Puissant ?

Concluons en disant ironiquement que pour les femmes comme les pouvoirs, peu importe la taille. Mais, les pouvoirs semblent plus se méfier des centimètres et des prédictions. On s’imagine qu’ils sont nombreux aujourd’hui à se mettre sur la pointe des orteils pour paraître grands auprès du chef. Voyant la photo du gouvernement, je me suis rendu compte que beaucoup sont des nains à côté des 2 mètres et, sûrement plus, de ce dernier. Estimons que tous les courts ne soient pas concernés. Sinon les vendeurs d’échasses vont se frotter les mains.

Plus sérieusement, ce ne sont pas les balivernes d’un joueur de cauris qui créent la crise sociopolitique actuelle. Elles en sont juste le reflet.

Pourtant cette crise peut se résorber définitivement si nous changions de mentalités, d’approche et de vision.

Penser aux générations futures

Les générations des deux dernières décennies ont connu plus de conflits que de paix sociale : les mouvements estudiantins de 2006 ; « le massacre organisé » au pont du 8 novembre en janvier 2007 ; les horribles massacres du 28 septembre 2009 ; le triple quinquennat de 2010 à 2023 et bien d’autres.

La chaîne de violences est longue. Presque interminable. Hélas, elle ne semble pas vouloir s’arrêter. Pourtant, on peut y mettre fin en nous posant les bonnes questions, les vrais diagnostiques pour un remède efficace. Une lecture lucide de la réalité de notre époque pourrait nous apporter la solution.

En effet, personne n’a plus peur. Les vieux encore moins les jeunes. Tout se vit au même instant dans un monde devenu un village planétaire. Comment voulons-nous que des jeunes qui baignent virtuellement ou réellement dans la violence depuis leur naissance aient peur de qui que ce soit. De quoi que ce soit.

Tuez-les tous, d’autres naîtront, avait dit la mère d’un héros guinéen. Alors, arrêtons la guérilla qui s’est installée et commençons à se serrer la main ; à se regarder en compatriotes égaux. Une chose, faut-il oser le dire, qui a rarement été. Faisons appel à l’histoire. A notre histoire pour arriver à une paix durable.

Revisitons l’histoire

Revisiter l’histoire dans une perspective constructive, loin de tout révisionnisme, peut aider à comprendre ce qui est advenu de notre pays depuis 1958. Faisons donc appel aux faits.

Durant plus d’un demi-siècle, les liens entre Guinéens se fissurent. La cité a rarement été vivable.

La quiétude et la confiance s’envolent de jour en jour.

La spirale qui nous enserre, si elle perdure, mettrait en cause la République ; créerait, non plus des ghettos, mais un apartheid dans nos cités. Pire, elle risque de plonger, un jour ou un autre, la Guinée dans la même situation qu’ont connue des pays voisins.

Réfléchissons un peu. Sékou est parti, on a applaudi Conté. Ce second président arrivé, nous nous sommes mis à regretter le premier. Dadis a fait irruption et se prit pour Moïse. Nous l’accueillîmes en Sauveur. Désillusionnés, nous avons baptisé le Général-Président « Premier démocrate de Guinée ».

La parenthèse Konaté enfanta Alpha Condé qu’on a maudit dans toutes les langues. Aujourd’hui, beaucoup prendraient l’avion pour aller chercher le « Professeur-Président » du côté d’Ankara, dit-on.

Doumbouya pire qu’Alpha, prétendent certains aujourd’hui. Que dirions-nous demain si le tombeur de Condé apparaissait comme un enfant de cœur face à un autre éventuel successeur ?

Allons-nous continuer à accumuler regrets, larmes et sang ? Voudrions-nous qu’à chaque système pointe le pire ; surgissent les mêmes maux, les mêmes tares ?

Allons ! Stoppons la spirale de conflits, les ratages et les abus des pouvoirs personnels, les injustices et les discriminations.

Dé-piégions ensemble la transition pour qu’elle sorte la tête du guêpier où elle semble être enfermée. Comprenons donc que Doumbouya n’est que le reflet des ratages quasi séculaires que nous avons connus. Une excuse ? Certainement pas.

Des initiatives audacieuses s’imposent

Si dans un pays le mal succède au mal, la douleur et la souffrance entrent dans les mœurs,  des rebuts des systèmes passés accaparent tout nouveau pouvoir, la faute ne peut être rejetée à une seule personne. Au seul nouveau pouvoir. Comme ses prédécesseurs, le système transitoire actuel est tributaire de ce qu’est la Guinée depuis l’indépendance.

Cette indépendance qui ne fit que chasser le colon blanc pour nous coller le colon noir. Les Kakis, bérets et brodequins de toutes tailles, de toutes couleurs, de tout acabit. Pas étonnant que l’histoire se répète à moins qu’on ne prenne des initiatives audacieuses, inédites et constructives.

Pour que la transition soit transitoire- et non permanente pour une fin inconnue-, il est nécessaire que soient posés de nouveaux actes. Des pas doivent être franchis. Les barrières doivent être levées. Il faudrait que les lignes entre les gouvernants et les populations se redessinent autrement. Prioritairement en faveur des citoyens qui ont été les cibles d’exactions des dernières décennies.

En clair, le meneur du coup de force du 5 septembre 2021 devrait s’adresser à la nation en annonçant des actes qui rassurent ses adversaires de l’intérieur et ceux qui se trouvent à l’extérieur.

Il devrait prendre son bâton de pèlerin et se montrer en vrai Rawlings pour rassembler les composantes de la Case-Guinée. En effet, qui couvre une case d’un côté et laisse l’autre dans sa nudité l’expose à l’inondation.

Les quartiers de la haute banlieue de notre capitale : Bambéto, Cosa, Hamdallaye, Wanindara etc. sont l’autre partie de la Case-Guinée exposée aux inondations : pas celles de l’eau mais celles des larmes et du sang, hélas.

Ces quartiers dits de l’Axe méritent bien autre chose que d’y aller pour prier les victimes de violences d’Etat. Il faut leur tendre la main ; faire preuve de compassion ; leur rendre justice.

Faut-il dire qu’une telle perspective n’est pas acquise à moins de corriger certaines carences au sein de l’appareil d’Etat lui-même.

Les réflexions, initiatives et propositions énoncées nous paraissent, en toute objectivité, face à la situation actuelle de notre pays et aux enjeux de demain, non pas une solution. Mais la solution.

S’il appartient à chaque Guinéen d’apporter sa brique à l’édifice, ce sont-là les réflexions de quelqu’un qui, depuis 2006, essaie de donner une lecture objective de la situation socio-politique de notre pays. Quelqu’un dont la devise est « Réussir la gouvernance pour reconstruire une Guinée bien abîmée par les hommes et les pouvoirs ».

Par Lamarana-Petty Diallo

lamaranapetty@yahoo.fr

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