Depuis cette nuit un terrible incendie ravage une partie du grand marché de Madina (M’Balia), poumon économique de notre pays.
Les propriétaires, démunis et totalement désemparés, se battent à mains nues contre les flammes, l’anarchie du marché empêchant les sapeurs-pompiers d’avoir accès au foyer de l’incendie.
Mais en auraient-ils eu accès, qu’auraient-ils pu faire ?
Le 9 janvier dernier, un incendie s’est déclaré dans un magasin de pneumatique au quartier huppé de la Minière, à Conakry, mettant à nue l’impuissance du service des sapeurs-pompiers à faire face à certains types d’incendie. Le feu avait brûlé durant trois jours avant de s’éteindre tout seul après avoir littéralement détruit le bâtiment, tuant un agent de sécurité.
Dans un pays normal, ce grave incident aurait poussé les autorités à entreprendre des réformes profondes en matière de protection civile et à prendre des mesures draconiennes pour former et équiper le corps des sapeurs-pompiers, à sensibiliser les populations pour prévenir pareille calamité. A-t-on tiré la leçon Ebola ?
En temps normal, dans un pays normal, le débat, aujourd’hui, aurait porté sur le nombre de bouches d’incendie disponibles et accessibles à Madina, des voies d’accès pour les secours en cas de sinistre, du nombre de boutiques, du plan d’évacuation,…bref de la sécurité du marché de Madina et de tous les autres marchés du pays. Ce soir, quelqu’un aurait démissionné ou aurait été demis de ses fonctions.
Mais, il ne faut pas rêver. Dans la plupart des quartiers de Conakry, il n’existe aucun robinet depuis des dizaines d’années; de l’eau pour éteindre des brasiers serait un luxe de trop.
D’ailleurs, il y a plus grave que tout cela. Des citoyens guinéens sont régulièrement tués par balles sans que personne ne soit arrêté; des messages de haine et d’appel à la guerre sont diffusés, y compris par des hauts cadres de l’Etat et des responsables des partis politiques, sans que la justice ne lève le petit doigt. Si elle le fait, c’est pour le placer sur la gâchette ou pour dégoupiller une « Grenade » d’aubergine.
C’est dans ce contexte d’un climat socio-politique morbide que survient le sinistre de Madina. Des énergumènes qui, en tant normal, dans un pays normal, n’ont leur place qu’en taule, ont diffusé des sottises sur Facebook appelant à brûler des marchés. Ils sont libres, au grand dam du ministre de l’Unité et de la Citoyenneté.
Si les autorités sont incapables d’éteindre un brasier à Madina, elles auraient pu, néanmoins, neutraliser les pyromanes de tout poil qui écument les réseaux sociaux.
Sinon un marché qui brûle en Afrique, c’est ce qu’il y a, hélas, de plus normal. Mais ailleurs, il y a le minimum : les secours arrivent, une enquête est lancée, quelqu’un est sanctionné, le débat de sécurité est relancé, des mesures sont prises.
Mais ici on est en Guinée, le pays du peu et de « un peu », le pays riche aux habitants pauvres, le pays des scandales tout court, le pays pas tout à fait normal.
Par Alimou Sow, blogueur