En Guinée, à quelques heures de la fête de la Tabaski, le prix du mouton s’envole jusqu’à 4 millions de francs guinéens. Une somme astronomique pour une grande partie de la population, déjà étranglée par la vie chère, les loyers impayables, les frais scolaires à répétition et un panier de la ménagère toujours plus vide.
Entre commerçants sans scrupules et consommateurs résignés, la scène se répète chaque année, dans une hypocrisie nationale qui n’émeut plus personne. Ceux qui vendent profitent de la situation. Ceux qui achètent, même à contre-cœur, cèdent à la pression sociale. Et l’État, lui, regarde ailleurs.
Comme si la détresse de son peuple n’était pas de son ressort. Comme si réguler les prix ou contrôler les abus relevait de l’impossible.
Ce que nous vivons n’est pas une simple flambée des prix : c’est la consécration d’un système où tout se vend, y compris le minimum de décence. Le mouton, symbole du sacrifice, devient un luxe inaccessible. Une affaire de riches. Une vitrine du consumérisme le plus brutal dans un pays où l’écrasante majorité peine à joindre les deux bouts.
Mais au fond, qui est responsable ? Les commerçants ? Sans doute. Certains d’entre eux transforment la Tabaski en un marché juteux, où le profit passe avant la solidarité. Mais ils ne sont que le reflet d’un laisser-faire plus grand.
L’État guinéen, en refusant de jouer son rôle de régulateur, est complice de cette dérive. À force de tolérer la spéculation, d’abandonner les contrôles, de laisser les marchés se « réguler » eux-mêmes, il sacrifie les plus pauvres sur l’autel de l’indifférence.
Et le pire ? Tout le monde semble s’en accommoder. L’opinion grogne, mais achète. Les religieux prêchent le sacrifice, mais se taisent sur l’injustice sociale. Les politiques multiplient les promesses, mais disparaissent quand il faut agir.
Jusqu’à quand allons-nous normaliser cette violence économique ? Jusqu’à quand allons-nous accepter qu’en Guinée, une fête religieuse devienne une source d’humiliation pour les familles modestes ? Jusqu’à quand allons-nous permettre à quelques spéculateurs de faire la loi, pendant que le silence des autorités fait office de caution.
Il est temps de dire non. Il est temps de réclamer une politique de justice économique, pas seulement à la veille des élections, mais chaque jour, dans chaque marché, dans chaque foyer.
Parce qu’au fond, le vrai sacrifice, aujourd’hui, c’est celui du peuple. Et il n’en peut plus.
Alpha Binta Diallo, journaliste
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