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Simandou : licenciements en masse de travailleurs

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Alors que la Guinée s’apprête à célébrer ses premières exportations de minerai de fer, le projet Simandou, fer de lance du régime militaire, fait face à un retour de flamme social redouté : le licenciement massif de dizaines de milliers de travailleurs.

Pendant deux ans, les chantiers de Simandou ont agi comme un poumon économique pour le pays. Selon des sources gouvernementales et industrielles citées par Reuters, l’emploi a culminé à plus de 60 000 postes entre 2024 et 2025. Mais la phase de construction touche à sa fin. Routes tracées, port achevé, rail posé : l’heure est désormais à la « démobilisation », ce terme technique qui cache une réalité sociale violente.

À terme, moins de 15 000 salariés seront conservés pour faire tourner la machine. Le calcul est rapide, mais brutal : ce sont 45 000 bras qui s’apprêtent à quitter les sites miniers.

Un climat social électrique à l’approche des urnes

Ce dégonflement des effectifs intervient dans un calendrier politique brûlant. À quelques semaines de l’élection présidentielle du 28 décembre, le général Mamadi Doumbouya a fait de Simandou le pivot de sa stratégie de transformation nationale. Mais sur le terrain, l’espoir vire à l’angoisse.

À Dantilia, le choc est frontal : en trois mois, 8 000 des 10 000 travailleurs ont déjà été remerciés. À Kamara, ils sont 1 500 à avoir quitté le site. « Il n’y a pas d’autre travail », confie anonymement un chauffeur du consortium chinois WCS à l’Agence britannique. « Ils n’ont rien promis. »

Sécurité et bétail : le coût humain du rail

Au-delà de l’emploi, c’est la cohabitation avec le projet qui s’avère meurtrière. Le bilan humain est lourd : une douzaine d’ouvriers tués sur la voie ferrée entre 2023 et 2024, et au moins cinq riverains décédés dans des accidents de la circulation.

Le passage du train de 670 km cristallise les tensions. La mort de bétail percuté par les convois a déjà provoqué la colère des éleveurs locaux. Sous pression, les industriels ont dû installer des clôtures en urgence, non prévues initialement, pour sécuriser les zones à risques. Trois sources occidentales consultées par l’agence britannique redoutent désormais que cette frustration ne dérape en sabotages ou en blocages de la voie ferrée.

L’incertitude de « l’après »

Du côté des exploitants, l’inquiétude est palpable. Chris Aitchison, directeur général de Rio Tinto-Simfer, ne cache pas ses doutes : « La question est : que se passe-t-il ensuite ? ». Contrairement à d’autres pays miniers, la Guinée manque cruellement de « passerelles » pour reclasser ces ouvriers qualifiés sur d’autres grands chantiers.

Le ministre des Mines, Bouna Sylla, reconnaît des licenciements « douloureux ». S’il promet des raffineries et des centrales électriques dans le cadre du plan « Simandou 2040 », aucun calendrier n’est encore gravé dans le marbre. Une étude de la KPMG sur la reconversion est attendue, mais elle ne sera publiée qu’après les élections.

Le paradoxe du PIB

Le FMI est formel : Simandou pourrait doper le PIB guinéen de 26 % d’ici 2030. Un chiffre vertigineux qui cache pourtant une ombre au tableau : sans politiques publiques d’envergure, la pauvreté ne reculerait que de 0,6 point.

Le risque est là, entre les lignes des rapports financiers : celui de voir une montagne de fer générer des milliards de dollars de richesse sans jamais franchir le seuil des foyers ruraux. Pour la Guinée, le pari de Simandou ne fait que commencer.

Par Alpha Abdoulaye Diallo

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