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Pourquoi Mamadi Doumbouya plaît-il tant à Paris ? (Par Tierno Monénembo)

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Cela prête à sourire, la Guinée qui fut longtemps la brebis galeuse de la bergerie françafricaine est en train  d’en devenir  la favorite et le Général Mamadi Doumbouya, son nouveau Bokassa. Entre la Métropole et sa turbulente ancienne colonie, le béguin est si fort dorénavant que les méchantes langues ont trouvé un ravissant surnom à l’actuel homme fort de Conakry: le chouchou de Macron.

Un journaliste qui couvre l’Afrique pour un grand quotidien parisien a essayé de m’expliquer les raisons obscures de cette alliance contre-nature : « Chassée du Mali, du Burkina Faso et du Niger, fragilisée au Sénégal, au Togo et au Tchad, la France mise sur la Guinée pour contrer l’expansion russe. Dans l’état de confusion générale que connaît le monde, chacun avance le pion qu’il peut, ajoute, pince-sans-rire, notre confrère qui sait de quoi il parle ».

Si j’ai bien compris, c’est sur Mamadi Doumbouya, ce Général autoproclamé, cet ancien caporal-chef de la Légion Etrangère que les génies du Quai d’Orsay misent pour protéger le pré-carré français des visées de Vladimir Poutine et tenter en désespoir de cause, de garder un pied en Afrique. Si c’est vrai, alors c’est sûrement cela, la géopolitique de haut vol ! Mamadi Doumbouya pour faire barrage à Poutine, autant arrêter les eaux de la Volga avec ses mains! Mais bon, il arrive que la diplomatie, cette « police en grand costume » pour reprendre le fameux mot de Napoléon, sorte du sérieux pour danser le quadrille. Je dis quadrille, parce que ce mot dégage un air de légèreté qui colle bien à la situation et puisqu’en fin de compte, la confrontation franco-russe en Afrique se décline plutôt en changement de cavalière qu’en confrontation directe. Voilà que la Guinée, le premier pays d’Afrique Noire à avoir ouvert une ambassade à Moscou, revient vers la France, son ennemi d’hier tandis que le Niger, le berceau de l’Organisation Internationale de la Francophonie (l’OIF qui n’est autre que l’ancienne ACCT qui, on le sait, a été fondée  à Niamey) fait les yeux doux à Moscou, bientôt rejoint peut-être, par le Sénégal, la patrie de l’ultra-francophile Senghor ! Après la diplomatie des petits pas, chère à Nixon et à Mao, la diplomatie du pas-de deux !

Le changement de cavalière étant fréquent dans le quadrille personne ne sait jusqu’à quand durera cette idylle franco-guinéenne. Il reste que pour l’instant, la France a pour le tyran de Conakry, les yeux de Chimène. Rien de trop pour son petit protégé ! C’est vers Conakry dorénavant et non vers Dakar ou N’Djamena que vont les chèques les plus gro et le matériel militaire de dernier cri. Habituellement, en cas de coup d’Etat, la France suspend sa coopération militaire avec le pays concerné. Avec Mamadi Doumbouya, non seulement celle-ci n’a jamais été interrompue mais elle s’est intensifiée au point que le journaliste Thomas Dietrich soupçonne des officiers français de participer à l’encadrement des forces parallèles guinéennes  impliquées dans la répression des opposants. Est-ce vrai, est-ce faux ? Seule une enquête approfondie pourrait le dire. Ce qui est sûr, c’est que Emmanuel Macron ne semble pas beaucoup s’émouvoir des dérives dictatoriales de son poulain de Conakry. Pendant que celui-ci tord le cou à la Charte de la Transition, pendant que se multiplient les morts mystérieuses et les disparitions forcées, il fait semblant de regarder ailleurs. Les nombreux émissaires qu’il envoie à Conakry parlent de tout sauf de droits de l’Homme et pour cause, ce ne sont que des banquiers, des gradés, des ingénieurs et  des géopoliticiens. Ce qui les intéresse, c’est la bauxite et le diamant, certainement pas le sort de Saadou Nimaga, de Marouane Camara, de Foninké Menguè et de Billo Bah, disparus depuis plus d’un an et dont on ne sait toujours rien : Vivent-ils encore ou ont-ils déjà succombé à la torture ? Seul Mamadi Doumbouya pourrait le dire.

La France entretient avec l’Afrique des relations politiques, culturelles et humaines fortes malgré les vicissitudes de l’histoire, malgré les aléas de la diplomatie. Qu’elle veuille les maintenir, rien de plus normal et même, rien de plus souhaitable ! Est-elle pour autant obligée de dérouler le tapis rouge à ses tyrans ?

Par Tierno Monénembo

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