A désormais trois petites semaines du scrutin final, fixé au huit novembre, Donald Trump semble plus que jamais dans les cordes et on voit mal comment la Maison Blanche pourrait échapper à sa rivale Hillary Clinton. Le milliardaire paie lourdement ses frasques du temps où il était une star de la télé américaine. La télévision, et les médias de manière générale, ont grandement contribué au succès de la campagne du New Yorkais. Paradoxalement, ils auront également provoqué sa chute.
Le 16 juin 2015, Donald Trump annonçait sa candidature à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2016. Le milliardaire donnait d’emblée le ton virulent et agressif qui sera le sien tout au long de sa campagne.
« Nous n’enregistrons plus de victoires, on ne bat plus la Chine, le Japon, ce sont eux qui nous battent. L’Amérique est devenue un dépotoir », ajoutait-il, mettant en cause l’immigration en provenance du Mexique. « Il faut que ça s’arrête, et que cela s’arrête vite », constatait Trump du haut de sa tour new yorkaise.
La plupart des observateurs avaient accueilli cette candidature avec le sourire, la jugeant plus folkorique que réellement ambitieuse. Peu d’entre eux imaginaient ce novice en politique capable de battre les favoris républicains Jeb Bush, Marco Rubio et Ted Cruz. Signe du peu de crédit dont il bénéficie, le « clown » Trump, comme les médias le qualifient alors, n’est crédité que d’à peine 1% d’intentions de vote quelques jours après son entrée en lice. Et pourtant, contre toute attente, c’est bel et bien « The Donald » qui décrocha la timbale, sans contestation aucune.
Car Trump, bien que novice en politique, disposait de deux avantages considérables sur ses onze adversaires: la célébrité et son habileté face aux médias.
Outre ses nombreuses tours portant son nom et sa chevelure reconnaissable entre mille, Donald Trump était surtout connu du grand public pour avoir présenté l’émission de télé-réalité « The Apprentice » sur NBC dans laquelle il prenait un malin plaisir à virer les pauvres candidats. Son mythique « You’re fired » résonne encore dans les lucarnes américaines.
Homme de télé, Donald Trump a su saisir l’opportunité en or que lui ont offert les médias: une importante visibilité, gratuite qui plus est. Lorsque ses adversaires dépensent des millions en campagnes publicitaires, Trump ne délie que peu les cordons de sa bourse. En parallèle, Trump use et abuse de son moyen de communication favori, gratuit lui aussi: Twitter.
Peu importe le message, quelles que soient les énormités qu’il balance, l’important est qu’on parle de lui. Toujours disponible pour les journalistes, Trump est omniprésent. Une visibilité qui fait de lui le candidat le plus couvert de l’histoire des campagnes politiques américaines.
Une omniprésence médiatique dont le magnat de l’immobilier ne se cachait pas, au contraire, il s’en vantait presque.
« Si vous avez une bonne audience -et la mienne n’est pas simplement bonne, elle est monstrueuse-, vous devez être à l’antenne tout le temps, même si vous n’avez rien à dire », dictait-il lors de la primaire.
Les médias US se délectent de ce candidat atypique, le seul de cette campagne morose capable d’attirer les foules et les télespectateurs. Si les récents débats télévisés opposant Trump et Clinton ont battu des records d’audience, c’est principalement grâce au caractère totalement imprévisible et anti-conventionnel du Républicain.
Donald Trump explique lui-même comment il est parvenu à tirer profit du jeu médiatique dans son livre « L’Amérique Paralysée », publié après les primaires républicaines.
« Cela ne me dérange pas d’être attaqué. J’utilise les médias de la même manière que les médias m’utilisent: dans le but d’attirer l’attention. Dès que j’obtiens cette attention, c’est à moi de l’utiliser à mon avantage. J’ai compris il y a longtemps que si vous n’avez pas peur de parler franchement, sans détour, les médias publieront des choses sur vous ou vous supplieront de participer à leurs émissions », résume Donald Trump.
Lucide, Trump sait aussi à quel point il peut être dangereux de jouer ainsi avec les médias, comme il le confesse également dans son ouvrage de campagne.
« Beaucoup pensent que je m’en tire bien avec la presse. Il se peut que ce soit le cas, parfois. Celui qui croit pourtant que je peux toujours parvenir à mes fins avec les médias se trompe complètement. Personne ne peut utiliser la presse. Cela nous dépasse complètement. »
Et c’est précisément ce qu’il s’est passé. A trop jouer avec le feu, le trublion a fini par se brûler. La relation « win-win » s’est progressivement muée en « je t’aime, moi non plus. » Après avoir tiré profit de son potentiel en terme d’audience, de nombreux médias se montrent de plus en plus critiques envers le candidat, CNN en tête, que Trump rebaptise ironiquement « Clinton News Network. » Trump fait d’ailleurs les journalistes sa cible favorite lors de ses meetings, les accusant de travailler pour l’establishment (lisez Hillary Clinton) qu’il dénonce depuis des mois.