A chaque feu tricolore, à chaque carrefour, le regard croise un enfant. Un plateau sur la tête, les pieds nus, l’âge incertain. Il vend de l’eau, des mouchoirs, ou parfois simplement un sourire fatigué, dans l’espoir d’une pièce.
Cette scène, d’une banalité glaçante, est visible de Dakar à Kinshasa, d’Abidjan à Conakry. Elle ne choque plus. Elle ne fait plus débat. Elle est devenue une habitude. C’est là que réside le drame collectif.
Le travail des enfants en Afrique est un scandale silencieux, logé au cœur même de nos sociétés. Invisibilisés par les priorités politiques, tolérés par les regards passants, ces enfants vivent une enfance volée sous nos yeux indifférents. Ils ne vont pas à l’école, ils ne jouent pas, ils ne rêvent plus. Ils survivent.
Ce paradoxe cruel – celui d’un continent riche en ressources naturelles immenses, mais dont les enfants sont les plus pauvres – devrait faire frémir les consciences. Il traduit l’échec de nos États à protéger leurs citoyens les plus vulnérables. Il illustre l’abandon des familles pauvres, des quartiers oubliés, des voix inaudibles.
Les textes interdisant le travail des enfants existent, mais que valent-ils sans application ? Sans mécanismes de suivi, sans volonté politique, sans alternative viable pour les parents qui n’ont d’autre choix que de “mettre leurs enfants dans la rue” ? Ce que l’on appelle travail, pour ces enfants, c’est une forme de violence. Une violence quotidienne, muette, destructrice.
Et pourtant, l’alerte est souvent donnée. Sociologues, ONG, éducateurs tirent chaque fois la sonnette d’alarme, en demandant à rendre l’école obligatoire et réellement accessible, à soutenir les familles précaires, à faire appliquer les lois déjà en place, à responsabiliser les communautés. Ils vont plus loin en demandant surtout de cesser de fermer les yeux.
Car ne rien faire, c’est accepter. Laisser faire, c’est devenir complice. Et chaque enfant qu’on laisse travailler aujourd’hui est un adulte que la société aura abandonné trop tôt.
Ce combat n’est pas seulement moral. Il est stratégique. Car aucune société ne peut construire un avenir solide sur une enfance sacrifiée. Aucune croissance ne peut être durable si elle se fait au prix de l’innocence piétinée.
Alors, il est temps. Temps de sortir de l’indifférence. Temps de réagir, de s’indigner, d’agir. Il en va de notre humanité, de notre dignité, et de ce que nous souhaitons léguer aux générations futures.
Par Alpha Binta Diallo, journaliste
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