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Guinée : trois ans après la chute d’Alpha Condé, une transition sans fin ?

Arrivé au pouvoir en Guinée à la faveur d’un coup d’État le 5 septembre 2021, Mamady Doumbouya s’était engagé voilà deux ans à rendre le pouvoir à un gouvernement civil élu à la fin de l’année 2024. Depuis, la transition s’est enlisée et l’opposition tente, tant bien que mal, de faire entendre sa voix, dénonçant une chape de plomb de plus en plus pesante.

La Guinée marque ce 5 septembre, le troisième anniversaire de la chute d’Alpha Condé, renversé lors d’un coup d’État orchestré par les forces spéciales. Un anniversaire sans tambour ni trompette, qui intervient dans un contexte tendu dans la capitale Conakry, alors que l’opposition a appelé à manifester pour dénoncer les dérives autoritaires du régime et réclamer le retour de l’ordre constitutionnel.

Sur l’axe Le Prince [axe routier sensible en Guinée où peuvent se concentrer les contestations politiques], considéré comme favorable à l’opposition, un important dispositif sécuritaire a été déployé jeudi pour empêcher tout rassemblement, les manifestations étant interdites dans le pays.

À la tête du pays, Mamady Doumbouya, ancien lieutenant-colonel investi président et promu général, s’était engagé à organiser une « transition inclusive et apaisée » et à quitter le pouvoir après l’élection d’un gouvernement civil avant la fin de l’année 2024. Une échéance repoussée depuis, sans nouvelle date, au grand dam de l’opposition.

« À l’occasion de cet anniversaire, nous rappelons à la junte qu’elle n’a pas respecté ses engagements », fustige Ibrahima Diallo, membre du forum des Forces vives de Guinée, qui rassemble partis d’opposition et mouvements de la société civile opposés au régime. « Nous n’avons ni date d’élection ni même de calendrier électoral, ce qui prouve que le gouvernement n’a aucune volonté de mettre fin à cette transition ».

Glissement de calendrier

La décision de rendre le pouvoir à un gouvernement civil élu avant la fin de l’année 2024 avait été annoncée par Mamady Doumbouya en octobre 2022 après de difficiles négociations avec la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest). Après sa prise de pouvoir en septembre 2021, le chef de la transition avait d’abord annoncé un processus de trois ans et trois mois, avant de consentir à raccourcir ce délai.

En février 2023, Mamady Doumbouya avait réaffirmé qu’il rendrait « le pouvoir aux civils à l’issue de la transition, fin 2024 ». Mais un an plus tard le cap a changé : seule la promesse d’organiser un référendum sur une nouvelle constitution figure désormais dans le discours de vœux du président de la transition. En février 2024, un nouveau Premier ministre, Bah Oury, a été nommé. Il a indiqué que la transition se poursuivrait en 2025.

Pour l’opposition, ce glissement du calendrier est une nouvelle preuve de « l’échec de la gouvernance du CNDR » [Comité national du rassemblement pour le développement, présidé par Mamadi Doumbouya] incapable selon elle de tenir ses engagements.

Le pouvoir justifie de son côté ce retard par la nécessité de reconstruire un système politique dans le pays. « En Guinée, toutes les crises électorales de ces quarante dernières années ont tourné autour du fichier électoral », indique Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement et ministre des Transports. « Pour régler cette question, il faut faire un recensement général. Ce processus est en cours, mais il prend du temps ».

Le recensement de la population n’est que la première des dix étapes du chronogramme de transition, dévoilé par le gouvernement en avril 2022, qui comprend l’établissement d’un nouveau fichier électoral, l’élaboration et le vote d’une nouvelle constitution, l’élaboration des textes de lois organiques ou bien encore l’organisation des élections locales puis législatives avant la présidentielle.

Un projet bien trop ambitieux pour une transition de deux ans, analyse Kabinet Fofana, politologue à l’association guinéenne de sciences politiques. « Ce chronogramme dès le départ souffrait de surcharge. Le recensement général de la population, le choix d’une nouvelle constitution écrite et non d’un toilettage de celle déjà existante… L’Intégralité des étapes ne pouvaient de toute façon être mises en place dans le calendrier imparti ».

Liberté d’expression en péril

Face à cette transition qui s’éternise, le gouvernement et l’opposition se rejettent la faute, le premier fustigeant le rejet de toute forme de dialogue tandis que le régime est accusé d’étouffer toute voix critique et discordante.

Début septembre, le pouvoir a suspendu la délivrance des agréments aux ONG et aux associations après avoir interdit quelques mois plus tôt quatre radios et une télévision privée. En juillet deux opposants, Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, ont été enlevés à leur domicile. Un rapt orchestré par les forces de l’ordre selon leurs familles, qui ont porté plainte en France pour « disparition forcée » contre le chef de la junte, le colonel Mamady Doumbouya. Les autorités guinéennes qui rejettent toute implication ont annoncé l’ouverture d’une enquête pour enlèvement.

« Le 5 septembre 2021, Mamady Doumbouya avait justifié sa prise de pouvoir par la violence politique du régime d’Alpha Condé », souligne l’opposant Ibrahima Diallo. « Aujourd’hui, les manifestations sont interdites et deux de nos camarades sont portés disparus. Dans ces conditions aucun dialogue n’est possible. »

Fin juillet, les autorités guinéennes ont dévoilé un avant-projet de constitution, prélude au référendum qu’elles comptent faire adopter avant la fin de l’année. L’opposition continue quant à elle de réclamer le retour des libertés fondamentales et le respect du calendrier de transition initial.

Par France24

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