Pourquoi la Guinée peut s’inquiéter au sujet de la CAN 2023

Philip Chiyangwa, président du Conseil des associations de football en Afrique australe (Cosafa) et figure montante du foot africain, veut remettre en cause l’attribution des trois prochaines Coupes d’Afrique des nations. Si le Cameroun (2019) et la Côte d’Ivoire (2021) ne devraient pas être trop inquiétés, la Guinée a en revanche du souci à se faire pour sa CAN 2023. Explications.

La CAN 2023 aura-t-elle lieu en Guinée, comme cela a été décidé en septembre 2014 par la Confédération africaine de football (CAF) ? A l’heure actuelle, rien ne permet de dire que la 34e phase finale de Coupe d’Afrique des nations se déroulera ailleurs.

D’autant qu’un stade est déjà quasiment prêt et que les autorités locales travaillent depuis septembre 2016 à la construction de ceux de Kankan, Labé et Nzérékoré. Le président du pays, Alpha Condé, a par ailleurs signé un décret sur la création du Comité d’organisation, en octobre 2016.

Mais les récentes critiques du président du Conseil des associations de football en Afrique australe (Cosafa), qui a envoyé un courrier à la CAF au sujet des pays hôtes des trois prochaines CAN, ont de quoi inquiéter les Guinéens. Voici pourquoi.

Parce que le patron du Cosafa est un des nouveaux hommes forts du foot africain

Philip Chiyangwa, président de la Fédération zimbabwéenne (ZIFA) depuis décembre 2015 et du Cosafa depuis décembre 2016, est la figure montante du foot africain. Ce riche homme d’affaires a grandement contribué à faire élire Ahmad, à la présidence de la CAF.

Le Zimbabwéen, qui n’a pas sa langue dans sa poche, a frontalement défié le prédécesseur d’Ahmad, le Camerounais Issa Hayatou. Philip Chiyangwa ne cesse de répéter qu’il ne reculera devant rien pour défendre les intérêts du foot austral. Y compris en attaquant l’attribution des Coupes d’Afrique des nations 2019, 2021 et 2023, au Cameroun, à la Côte d’Ivoire et à la Guinée. « Elles ont été attribuées de manière brutale et politique au bénéfice d’une région », a-t-il lâché lors d’une conférence de presse du Cosafa, en Afrique du Sud, le 7 avril 2017.

Parce que le président de la CAF n’a pas contredit le patron du Cosafa

Le nouveau président de la CAF, Ahmad, était présent lorsque Philip Chiyangwa a mis en cause la manière dont les CAN 2019, 2021 et 2023 ont été attribuées. Le Malgache n’a pas contredit son collègue et soutien. Il a au contraire tenu des propos en anglais potentiellement lourds de sens, en préambule de la conférence de presse. « Even if I am the president of CAF, I am a Cosafa member first. » L’usage du « first » peut signifier qu’Ahmad rappelle l’antériorité de son appartenance au Cosafa. Ou qu’il se considère avant toute chose comme un membre de cette association…

Parce qu’il est sans doute trop tard pour revenir sur les CAN 2019 et 2021, mais pas sur 2023

La CAF se tirerait une balle dans le pied en retirant la CAN 2019 au Cameroun. La phase finale a en effet lieu dans moins de deux ans. Le pays a en outre organisé avec brio la CAN féminine 2016 et son équipe nationale masculine a remporté la CAN 2017 au Gabon.

Quant à la Côte d’Ivoire, dont l’équipe a gagné la CAN 2015, son économie affiche de bons résultats en termes de croissance notamment. Le pays, qui a organisé l’Afrobasket 2015 avec succès et qui s’apprête à accueillir les Jeux de la francophonie 2017, semble avoir les atouts nécessaires pour l’organisation de grandes compétitions.

Reste donc la Guinée dont la désignation pour la CAN 2023 semble plus fragile.

Parce que la désignation de la Guinée semble plus discutable au regard des statuts et règlements de la CAF

Candidate malheureuse pour 2019 et 2021, la Guinée s’est vue offrir l’édition 2023, à la surprise générale, en septembre 2014. Il n’avait en effet jamais été question de trouver la nation-hôte de cette 34e édition. S’il est vrai que le Comité exécutif « est l’autorité suprême pour toutes les questions relatives aux compétitions de la CAF » (article 23, alinéa 11 des Statuts et règlements de la CAF), qu’il « détermine le lieu et les dates du tournoi final des compétitions de la CAF » (article 23, alinéa 17), que ses décisions « ont force exécutoire, avec effet immédiat » (article 22, alinéa 20), le choix fait en septembre 2014 ne semble pas totalement en adéquation avec les textes de l’institution à l’époque et ceux d’aujourd’hui.

Dans le chapitre consacré aux « candidatures pour l’organisation des phases finales et désignation des pays hôte » – dont les principaux articles n’ont pas été amendés ces dernières années – il est stipulé que le « Comité exécutif désignera le pays hôte six ans avant la date prévue pour » la tenue de la CAN (article 28). Pas six ans au plus tôt ou au plus tard. Or, la Guinée a été désignée neuf années à l’avance, sans appel à candidature pour la CAN 2023. L’article 39 est là aussi très clair : le Comité exécutif désignera […] le ou les pays hôte(s) chargé(s) de l’organisation de l’édition « pour laquelle ils s’étaient portés candidats ». Enfin, l’article 32 prévoit qu’un candidat doit avoir organisé la phase finale d’au moins une des compétitions internationales de la CAF. La Guinée, elle, a accueilli une CAN des moins de 17 ans. Mais c’était en 1999.

Parce que le Comité exécutif a les moyens de retirer la CAN 2023 à la Guinée

Reste LA question : si tel était son désir, le Comité exécutif aurait-il les moyens de faire machine arrière ? « En cas de violation des règles prescrites ou de manquements des engagements souscrits, la CAF est en droit de retirer en tout temps et avec effet immédiat l’organisation de la compétition au(x) pays hôte(s) », souligne les Règlements d’application (article 41). L’article 62 des Statuts, plus vague et plus général, souligne aussi que « tous les cas non prévus […] ou les cas de force majeure seront tranchés par le Comité exécutif » (alinéa 1).

Si le Cosafa n’a pas les compétences nécessaires pour mettre le sujet sur la table (article 14 des Statuts), l’un de ses membres au Comité exécutif (Kalusha Bwalya, Danny Jordaan, Rui Eduardo Da Costa) peut faire inscrire la question à l’ordre du jour d’une prochaine séance (article 23, alinéa 4). En dernier ressort, un des pays membres du Cosafa peut saisir le Tribunal arbitral du sport (TAS).

Parce que la CAN 2023 pose toujours un problème de calendrier avec la Coupe du monde 2022

Dernier point, les autorités guinéennes souhaitent toujours que la CAN 2023 ait lieu en janvier/février. Soit un ou deux mois seulement après la fin de la Coupe du monde 2022 au Qatar, prévue du 21 novembre au 18 décembre… En février 2015, la Fédération internationale de football (FIFA) avait réclamé que la Coupe d’Afrique soit repoussée en juin. Une demande alors rejetée par la Guinée, pour cause de pluie abondante à cette période.

La CAF va engager une vaste réflexion sur le format et la périodicité de la Coupe d’Afrique des nations. Il n’est pas à exclure que la CAN 2023 en Guinée en subisse les conséquences. Aussi injustes soit-elles…

RFI

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