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Guinée : « les autorités militaires ont continué à réprimer les médias, l’opposition politique et la dissidence », HRW

La situation des droits de l’homme en Guinée continue de se détériorer souligne Human Rights Watch dans son rapport mondial 2025.  

L’ONG pointe notamment la répression des libertés publiques, le retard vers le retour à l’ordre constitutionnel et l’exploitation abusives de ses ressources naturelles.

Lisez :

En 2024, les autorités militaires en Guinée ont continué à réprimer les médias, l’opposition politique et la dissidence.

En décembre 2022, la junte militaire s’était engagée à organiser des élections présidentielles et législatives d’ici décembre 2024 dans le cadre d’une feuille de route de transition convenue avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cependant, le 19 septembre 2024, le ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, a indiqué que les élections auront lieu en 2025.

Le 19 février, le colonel Mamady Doumbouya a dissous le gouvernement sans donner de justification. Le 28 février, Mamadou Oury Bah a été nommé au poste de Premier ministre.

En juillet, la junte a présenté un projet de nouvelle constitution censé être voté par référendum avant décembre 2024. Le projet prévoit un mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable une fois.

Toujours en juillet, à l’issue d’un procès historique, un tribunal guinéen a reconnu l’ancien président autoproclamé de la Guinée, Moussa Dadis Camara, et sept autres personnes coupables pour des viols et des meurtres de manifestants en 2009.

Le code pénal guinéen punit tout « acte impudique ou contre nature » de six mois à trois ans de prison, sans en apporter de définition.

Usage excessif de la force

La junte a interdit les manifestations en mai 2022. Les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force, notamment de gaz lacrymogènes et de balles réelles, pour disperser ceux qui ont défié l’interdiction, entraînant la mort d’au moins 59 manifestants et autres citoyens depuis 2022, dont au moins 20 en 2024, selon le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition de groupes de la société civile et de partis d’opposition guinéens. Depuis janvier, Human Rights Watch a documenté le meurtre par les forces de sécurité d’au moins huit personnes, dont trois enfants, lors de manifestations qui ont eu lieu à Conakry, la capitale, et au cours desquelles des manifestants s’en sont pris à la police et à la gendarmerie.

Répression des médias, de l’opposition et de la dissidence

Le 29 octobre, le ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation a dissous 107 partis politiques et en a placé 67 autres en observation, leur donnant trois mois pour fournir au ministère les informations requises. Parmi les partis en observation figurent trois formations d’opposition de premier plan, à savoir le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) dirigé par l’ancien président Alpha Condé, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) dirigée par Cellou Dalein Diallo et l’Union des forces républicaines (UFR) dirigée par l’ancien Premier ministre Sidya Touré. L’opposition soutient que cette décision vise à empêcher des personnalités politiques clés de se présenter aux élections.

Le 18 janvier, avant une manifestation organisée par un syndicat de la presse contre le brouillage de stations de radio en novembre 2023, les forces de sécurité ont assiégé la Maison de la Presse, une organisation médiatique indépendante à Conakry, enfermant à l’intérieur au moins 30 journalistes pendant plusieurs heures, et ont arrêté neuf autres journalistes. Ces derniers ont été conduits dans deux postes de gendarmerie pour être interrogés avant d’être libérés le soir même, sans avoir été inculpés.

Le même jour, les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG). Après trois jours de détention, Sékou Jamal Pendessa a fait l’objet de poursuites pour « participation à une manifestation non autorisée et trouble à l’ordre public » puis a été reconnu coupable par un tribunal de Conakry. Il a été libéré le 28 février.

Le 21 mai, le ministre de l’Information et de la Communication, Fana Soumah, a signé un décret ordonnant le retrait des licences de six médias, invoquant leur non-respect « des lois sur la liberté de la presse, … et [du] Code de bonne conduite des journalistes ».

La junte a procédé à des arrestations arbitraires pour museler l’opposition.

Le 9 juillet, les forces de sécurité ont fait disparaître de force Oumar Sylla, Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé, membres du FNDC. Le FNDC a déclaré qu’ils ont été torturés lors d’interrogatoires extrajudiciaires. Mohamed Cissé a été libéré le lendemain, tandis qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah sont toujours portés disparus. Les autorités n’ont pas encore reconnu leur détention ni révélé l’endroit où ils se trouvent, malgré les demandes de leurs avocats.

Procès pour le massacre de 2009

Le 31 juillet, un tribunal guinéen a reconnu coupables l’ancien président autoproclamé de la Guinée, Moussa Dadis Camara, et sept autres personnes pour des viols et des meurtres de manifestants commis en 2009, lorsque les forces de sécurité avaient ouvert le feu sur une manifestation pacifique, tuant plus de 150 personnes et violant des dizaines de femmes et de filles.

Le tribunal a décidé de requalifier toutes les accusations de crimes ordinaires en crimes contre l’humanité, sur la base d’une demande du ministère public. C’était la première fois que des crimes contre l’humanité étaient jugés en Guinée.

Les juges ont déclaré Moussa Dadis Camara, Aboubacar Diakité, également connu sous le nom de Toumba, et Moussa Tiégboro Camara coupables en vertu du principe de responsabilité du commandement pour les crimes contre l’humanité de meurtre, d’enlèvement, de violences sexuelles et de torture, entre autres. Ils ont condamné Moussa Dadis Camara et Moussa Tiégboro Camara à 20 ans de prison et Toumba à 10 ans. Les juges ont également reconnu cinq autres personnes coupables de divers crimes contre l’humanité, allant du meurtre aux violences sexuelles et à la torture, entre autres crimes, et ont prononcé des peines allant de 10 ans à la réclusion à perpétuité. Les juges ont acquitté quatre hommes.

Les juges ont également statué sur les demandes de réparations, accordant entre 200 millions et 1,5 milliard de francs guinéens (environ 23 000 à 172 500 dollars des États-Unis) aux différents groupes de victimes, y compris de victimes qui ont subi un traumatisme physique et psychologique.

Les hommes condamnés ont le droit de faire appel.

Le 17 septembre 2024, Claude Pivi, ancien ministre guinéen de la Sécurité présidentielle, a été arrêté près de la frontière libéro-guinéenne par la police libérienne. Claude Pivi avait été reconnu coupable par contumace de crimes contre l’humanité en juillet. Il a été transféré dans un centre de détention à Conakry pour y purger sa peine.

Après les violences de 2009, les forces de sécurité ont tenté de dissimuler les preuves de leurs crimes, enterrant les corps dans des fosses communes. Le procès a débuté le 28 septembre 2022 et a duré près de deux années, au cours desquelles les juges ont entendu plus de 100 victimes, 11 accusés et plus d’une dizaine de témoins, dont de hauts responsables du gouvernement.

Le 14 octobre 2009, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) avait annoncé que la situation en Guinée faisait l’objet d’un examen préliminaire, permettant à la Cour d’évaluer la possibilité d’ouvrir une enquête. Le ministre guinéen des Affaires étrangères de l’époque, Alexandre Cécé Loua, avait indiqué à la CPI que la Guinée était « disposé[e] et en mesure » de garantir la justice pour les crimes de septembre 2009 par le biais de ses tribunaux nationaux et qu’une enquête de la CPI n’était donc pas nécessaire.

La CPI a poursuivi un programme d’activité solide pour soutenir l’administration de la justice pour les crimes de septembre 2009 et semble avoir joué un rôle majeur dans le processus. Des représentants du gouvernement guinéen, des activistes de la société civile et des observateurs internationaux ont souligné que la CPI a été essentielle dans cette affaire.

Le procureur de la CPI a assisté au début du procès, après quoi le Bureau du Procureur a clôturé son examen préliminaire le 29 septembre 2022. Dans le même temps, le Bureau du Procureur a signé un mémorandum d’accord avec la Guinée, affirmant qu’il « s’engag[e] à collaborer étroitement » avec les autorités guinéennes afin de garantir la reddition des comptes pour les crimes du 28 septembre.

Préoccupations concernant les ressources naturelles et des communautés locales

La Guinée possède les plus grandes réserves de bauxite au monde, minerai nécessaire à la production de l’aluminium, et était en passe de devenir le plus grand producteur mondial en 2024. L’exploitation de la bauxite, qui s’est développée rapidement au cours de la dernière décennie, a conduit des dizaines de milliers d’agriculteurs à perdre leurs terres, souvent sans recevoir de compensation adéquate, et a dégradé les ressources en eau de communautés dans la région de Boké.

Deux consortiums miniers multinationaux ont poursuivi la construction d’infrastructures ferroviaires, portuaires et minières pour exploiter l’énorme gisement de fer de Simandou dans le sud-est de la Guinée. Des groupes de la société civile guinéens et internationaux ont exprimé des inquiétudes sur le fait que le projet Simandou aura de graves conséquences sur l’accès à la terre et à l’eau pour les communautés voisines.

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