Comment Ebola a asphyxié l’économie ( le monde)

L’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest, qui a officiellement été déclarée terminée jeudi 14 janvier par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), laisse derrière elle un long cortège macabre. Partie du sud de la Guinée en décembre 2013, l’épidémie a fait au moins 11 315 morts pour 28 637 cas recensés, selon l’OMS.

Les victimes se sont concentrées à plus de 99 % dans trois pays frontaliers : Guinée (plus de 2 500 morts), Sierra Leone (plus de 3 900 morts) et Liberia (plus de 4 800 morts), mais ces bilans seraient sous-évalués, selon l’OMS.

Crise sanitaire et ralentissement chinois

Le virus laisse aussi derrière lui un désastre économique. La Banque mondiale évalue le montant des pertes en produit intérieur brut (PIB) pour ces trois pays à près de 2,2 milliards de dollars (2 milliards d’euros), dont 1,4 milliard de dollars pour la Sierra Leone, 535 millions en Guinée et 240 millions au Liberia. Ces trois pays, déjà fragiles sur le plan économique, ont reçu en 2015 des promesses d’aide de plus de 5 milliards de dollars.
Il est difficile de mesurer le seul impact du virus sur l’économie de la région, car les trois pays sont tous producteurs de matières premières (mines de fer, or, aluminium…). Or la propagation de l’épidémie en 2014 et 2015 a coïncidé avec le ralentissement économique de la Chine, avec laquelle ils sont tous partenaires et parfois de manière très étroite, et la chute drastique du prix des matières premières.

Les dirigeants, dont l’une des priorités est aujourd’hui « d’investir de toute urgence dans leurs systèmes sanitaires », selon la Banque mondiale, se disent néanmoins optimistes quant à leur capacité de rebond. « Nous pouvons et nous devons revenir aux progrès qui prévalaient avant le traumatisme d’Ebola », déclarait en juillet Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Liberia, lors d’une réunion avec ses homologues guinéen Alpha Condé et sierra-léonais, Ernest Bai Koroma.

Les perspectives de croissance de l’Afrique de l’Ouest sont estimées à 7 % pour 2016. Les trois pays frappés par le virus représentent moins de 3 % du PIB de la région.

La Sierra Leone, le pays le plus touché

Ce pays d’environ 6,5 millions d’habitants, considéré comme libéré de l’épidémie par l’OMS depuis le 8 novembre 2015, est économiquement le plus touché. Son PIB en 2015 doit connaître une chute abyssale de 21,5 %. « Avant la crise, il y avait en moyenne quarante-huit avions qui atterrissaient chaque semaine sur l’aéroport de la capitale, Freetown. Au plus fort de l’épidémie, il n’y en avait plus que cinq », se souvient Mark Reading, directeur de Terra Nova Solutions, une société de services spécialisée dans la logistique.

La crise s’est déclarée au pire moment, celui où ce pays anglophone, parti économiquement de très loin après une guerre civile qui a fait 120 000 morts entre 1991 et 2002, semblait relancé sur de bons rails. En 2013, il affichait même une croissance de 11,3 %. Même si elle restait très faible, l’espérance de vie (46 ans) avait augmenté de huit années en seulement une décennie.
L’agriculture (riz, manioc, patates douces…), qui représente environ la moitié des ressources, a été gravement endommagée, car les récoltes n’ont pu se faire à temps, notamment à cause d’une mesure de précaution interdisant tout regroupement de plus de quatre personnes. S’en est suivie une inflation de l’ordre de 10 % sur certaines denrées.

« Le secteur des mines a été gravement touché, parce qu’à la crise Ebola se sont ajoutés le ralentissement économique mondial et la baisse du prix des matières premières », analyse David Tinel, responsable des investissements au département infrastructure Afrique au sein de la Société financière internationale, membre du groupe Banque mondiale. La fermeture de deux mines, exploitées respectivement par African Minerals et London Mining, s’est soldée par la perte de 7 500 emplois. Le taux d’emploi dans ces secteurs serait revenu à son niveau antérieur à la crise, mais avec des durées de contrats et des salaires inférieurs, selon un rapport de la Banque mondiale publié en juin 2015.

Reste le tourisme. Avec ses plages paradisiaques, ses forêts préservées et sa population accueillante, la Sierra Leone, devenue un pays sûr, bénéficie d’un réel potentiel. Mais personne ne s’y est aventuré depuis un an et demi.

Au Liberia, un isolement économique d’un an

Le Liberia, qui avait enregistré une croissance moyenne du PIB de 7 % au cours de la décennie 2004-2013, a vu sa croissance ramenée à moins de 1 % en 2014. Le FMI ne table pas sur de meilleurs résultats pour 2015.

L’économie a été sérieusement affectée, avec des récoltes qui ont pourri dans les champs, des mines qui ont été abandonnées et des marchés qui n’ont pu être alimentés pendant plusieurs mois. Les conséquences sociales sont lourdes. En novembre 2015, le groupe ArcelorMittal, qui exploite notamment la mine de Tokadeh (nord), a annoncé devoir licencier 450 personnes « à cause de la baisse constante des prix du minerai de fer sur le marché mondial ». Dans un contexte d’insécurité alimentaire accrue, un programme de transferts financiers ciblé sur les 50 000 foyers les plus démunis a été mis en place.

Le contexte international, avec le ralentissement de la croissance de la Chine dont le pays est un partenaire privilégié (fer, or, caoutchouc), complique la tâche du gouvernement, qui a adopté en avril 2015 un plan de stabilisation et de redressement économique.

L’objectif d’Ellen Johnson Sirleaf est aujourd’hui de réinsérer le Liberia dans les circuits économiques régionaux et mondiaux, alors qu’il a été totalement isolé pendant plus d’un an.

La Guinée, un très léger rebond

La Guinée, qui a été officiellement libérée d’Ebola le 28 décembre 2015, devrait enregistrer une croissance très faible (0,9 %) en 2015. Ce très léger rebond par rapport à 2014 (0,6 %) a été soutenu par la hausse des investissements publics, par une plus grande activité minière et par un meilleur approvisionnement en électricité.

Une mission lancée conjointement par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) a été conclue mi-décembre 2015. Elle indique dans un rapport que « l’économie de la Guinée a été en proie à deux chocs négatifs liés à l’épidémie d’Ebola et à la baisse drastique des prix des matières premières sur le marché mondial ». Il souligne aussi que « les perspectives économiques se sont améliorées avec l’organisation de l’’élection présidentielle dans un climat apaisé [remportées au premier tour par Alpha Condé le 11 octobre 2015]. La croissance pourrait rebondir à près de 4 %, reflétant l’activité toujours soutenue dans les secteurs de l’agriculture, de la bauxite et de l’électricité. »

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