Il était l’un des quatre hommes exfiltrés d’une prison de Conakry le samedi 4 novembre 2023. Il est le dernier encore en fuite. Qui est le colonel Claude Pivi ?
« Pivi vociférait ! » Le 7 décembre 2009, l’Agence France-Presse relate une scène de violence survenue quelques heures plus tôt en banlieue de Conakry, la capitale guinéenne. « Des militaires conduits par le capitaine Claude Pivi, raconte l’AFP, ont de nouveau semé la terreur (…) ils ont ‘fusillé un marabout’ et arrêté plusieurs personnes, dont un imam âgé”. L’un des témoins cités relate : « les militaires étaient des bérets rouges. Claude Pivi lui-même était là et il criait ‘venez, venez, attaquez !' ».
Cet épisode de violences est alors lié à des dissentions très fortes au sein de la junte de Moussa Dadis Camara au pouvoir à l’époque. Dissentions impliquant plusieurs responsables qui partageront un dessein commun : celui d’être aujourd’hui jugés pour le massacre du 28 septembre 2009.
Brutalité
“Connu pour sa brutalité”, disait à l’époque le correspondant de l’AFP, le colonel Pivi est, quatorze ans plus tard, l’homme le plus recherché de Guinée. Le samedi 4 octobre, en compagnie de plusieurs autres anciens responsables au pouvoir en 2009, il a été sorti de la prison de Conakry par un commando qui aurait été emmené par son fils, Verny Pivi, lui-même ancien militaire radié de l’armée en 2011. L’avocat de Claude Pivi dément toute implication du fils dans l’évasion de samedi.
Claude Pivi n’est pas un second couteau. Questionné par TV5MONDE, l’analyste politique Fayimba Mara rappelle que celui qui est surnommé Coplan “a été un grand soldat. Le mythe qui l’entoure plane encore sur l’armée guinéenne. Il a un parcours qu’on ne peut pas contester. C’est un soldat dans l’âme avec l’orgueil qui l’entoure”.
Interrogé il y a un an dans le cadre du procès pour le massacre au stade du 28 septembre, Claude Pivi le disait lui-même : “J’ai une carrière bien remplie. Personne ici ne peut dire qu’il a fait la guerre plus que moi. Ce pays était sous mon contrôle pendant quelques semaines mais je n’ai fait de mal à personne”.
Entré dans l’armée guinéenne en 1985, Claude Pivi a en effet combattu en Sierra Leone et au Liberia dans les années 90. Il sera également été aux premières loges sous différents pouvoirs.
En 2008 c’est lui, par exemple, qui apporte à Lansana Conté les doléances des militaires en pleine mutinerie. Quelques semaines plus tard, à la mort du vieux dictateur qui aura dirigé la Guinée de 1984 à 2008, il fait partie des militaires qui s’emparent du pouvoir au sein d’une junte emmenée par Moussa Dadis Camara. Le voilà ministre chargé de la Sécurité présidentielle. Un poste qu’il occupe toujours lorsqu’en septembre 2009 l’impensable se produit au Stade du 28 septembre à Conakry. Un meeting de l’opposition tourne au massacre. Plus de 150 morts. Des centaines de blessés et de violences sexuelles.
Une page sombre de l’histoire de la Guinée qui vaut à Pivi d’être aujourd’hui parmi les accusés.
« Apeuré »
Lui est poursuivi pour « coups et blessures volontaires, viols, pillages en réunion ou en bande, incendies volontaires, meurtres, tortures, non-assistance à personnes en danger et complicité ». Pourtant, il conteste. Il dit avoir été ce jour-là loin du stade de Conakry et s’être rendu à Coyah, une ville située à 50 kilomètres à l’est de la capitale, en mission pour le président.
Où se trouve Claude Pivi aujourd’hui ? Selon la presse guinéenne, de spectaculaires opérations de polices étaient en cours ce mardi 7 novembre à Matam, l’une des six communes de Conakry. Interrogé par une radio conakryka, son avocat le dit “apeuré”, notamment en raison des soupçons qui pèsent sur son fils. L’analyste politique Fayimba Mara considère qu’“il n’est pas évident qu’il accepte de se rendre” ajoutant que la mort est tout à fait une option pour le vieux soldat qu’est Claude Pivi.
Par TV5 monde