Un homme d’affaires indien réclame un milliard de dollars de dommage à la Guinée après avoir perdu son permis minier sur un gisement de bauxite dans la région de Boffa. Pankaj Oswal demande un arbitrage devant un tribunal new-yorkais et dénonce les méthodes de Conakry avec les investisseurs étrangers.
Pankaj Oswal parle « d’un choc » quand le 14 mai 2025 on lui apprend au milieu de la nuit la perte du permis minier d’Axis Minerals. La filiale guinéenne du groupe Oswal Global, exploite le site depuis 2020 après des années d’exploration et d’investissements dans le projet. « J’étais en train de dormir chez moi quand, vers 2h du matin, j’ai reçu un message sur mon téléphone : « Notre mine est partie. » J’ai d’abord cru à une blague : « Quoi ? Non, non, ce n’est pas possible ! » Puis j’ai dit à ma fille, qui est directrice générale, de prendre immédiatement le téléphone et d’appeler Conakry pour comprendre ce qu’il se passait. Et, en réalité, c’était vrai : 51 licences minières avaient été retirées ! »
Axis Minerals est visé lors de la grande vague de retrait de permis décidée par la junte et son gouvernement. Une opération d’assainissement du cadastre que le général Amara Camara, porte-parole de la Présidence de la République de Guinée, justifie en affirmant que « la plupart des permis étaient dans des états de manquement par rapport au code minier ».
« Nous n’avons reçu aucun avertissement préalable »
Pour Pankaj Oswal, c’est la douche froide. « Du jour au lendemain, nos activités se sont arrêtées. Nos 5 000 employés et sous-traitants se sont retrouvés sans travail. Nous n’avons reçu aucun avertissement préalable, aucune lettre, aucune discussion nous demandant de corriger quoi que ce soit. Le gouvernement a affirmé que ces sociétés n’avaient pas respecté certaines obligations, notamment en matière de transformation locale. Mais jamais, auparavant, on ne nous avait demandé de construire une raffinerie d’alumine ou une usine en aval », assure l’homme d’affaires, aujourd’hui résidant suisse.
Il décide d’écrire aux autorités à plusieurs reprises, mais sans jamais recevoir de réponse. Début juillet, Axis Minerals lance une procédure d’arbitrage ad hoc à New York. « Notre réclamation de dommages se chiffre à plus d’un milliard de dollars. Et c’est ce qui va faire mal à la Guinée, assène Pankaj Oswal. Je n’en ai pas envie, mais s’ils nous poussent jusque-là, je n’ai pas d’autre option que de continuer mon chemin. Et mon chemin, en tant qu’homme d’affaires, est légal parce que je crois aux contrats. Nous n’avons pas d’armes. Le seul pouvoir que nous avons, c’est le pouvoir du stylo ».
L’homme d’affaires laisse toutefois la porte ouverte et se dit prêt à investir de nouveau en Guinée une fois le différend réglé. La Guinée n’a pas encore accepté l’arbitrage, mais elle s’est en revanche vue signifier la requête d’Axis Minerals pour contraindre l’arbitrage. Elle a reçu cette lettre le 1er septembre. Contacté, le ministère guinéen des Mines n’a pas souhaité répondre à nos questions.
« La Guinée dit “venez dans notre pays” mais ne donne pas la bonne image »
C’est ce silence après des années de travail en commun – Axis Minerals est en Guinée depuis 2013 – qui mine Pankaj Oswal, affirme-t-il. À l’heure du programme Simandou 2040, censé accélérer le développement du pays, il s’étonne de la méthode guinéenne avec les investisseurs étrangers. « La Guinée va à Washington, en Australie, en disant “venez dans notre pays”, mais elle ne donne pas la bonne image aux gens qui sont déjà là. Vous mettez dehors ceux qui ont investi chez vous et vous dites ensuite à des nouveaux de venir. Pourquoi ces nouveaux viendraient-ils si vous chassez ceux qui ont déjà investi ? Franchement, ça n’a aucun sens. D’abord, il faut protéger ceux qui ont investi dans votre pays, pas attirer du sang neuf pour, au bout de cinq ans, leur prendre aussi leurs actifs. »
Juste avant de perdre son permis, Axis Minerals déclarait une production moyenne de 169 000 tonnes de bauxite par jour, principalement exportées vers la Chine. Ses mines entre Fria et Boffa ont permis d’exporter près de 40 millions de tonnes de bauxite entre 2023 et 2025.
Source : RFI