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Après le coup d’État, quel est l’avenir du secteur minier en Guinée ? (HRW)

Le coup d’État du 5 septembre en Guinée a fait l’effet d’un séisme dans l’Afrique de l’Ouest, mais aussi sur les marchés des matières premières. La Guinée est le deuxième producteur mondial de bauxite, le minerai dont on extrait l’aluminium, et possède d’importantes réserves de minerai de fer, d’or et de diamants. Ce coup d’État suscite trois questions fondamentales concernant l’avenir du secteur minier et le fait de savoir si les Guinéens bénéficieront des richesses minières du pays ou bien continueront à payer le prix de leur exploitation.

La première interrogation consiste à savoir si le gouvernement militaire emploiera les recettes générées par l’exploitation minière pour donner aux Guinéens un meilleur accès à l’éducation, aux soins médicaux, et aux autres droits humains fondamentaux. En 2018, le secteur minier a apporté au Trésor public 544 millions USD, soit plus de 30 % du budget de l’État.

Après avoir déposé le président Alpha Condé, le nouveau leader militaire de la Guinée, Mamady Doumbouya, l’a accusé d’orchestrer la corruption endémique et de ne pas utiliser les bénéfices miniers pour lutter contre la pauvreté généralisée.

Rappelons que le leader du coup d’État précédent en Guinée, Dadis Camara, avait également commencé par adresser de forts messages contre la corruption, avant sa chute soudaine en 2009. Pourtant en 2017, son ministre des Mines a été reconnu coupable d’avoir touché des millions en pots-de-vin en échange d’accords d’exploitation minière. Ce nouveau gouvernement militaire peut-il faire mieux ?

La corruption est omniprésente en Guinée, même si sous la présidence d’Alpha Condé, le ministère des mines  a effectivement mené des réformes pour renforcer la gestion des revenus miniers. En 2019 et 2020 il a aussi commencé à redistribuer les bénéfices du secteur minier aux gouvernements locaux, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. La Guinée a par ailleurs participé avec régularité à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui exige des États qu’ils divulguent les revenus qu’ils reçoivent des entreprises minières.

Doumbouya a déclaré que le pays resterait engagé en faveur des principes de transparence et de bonne gouvernance mis en avant par l’ITIE. Mais l’ITIE elle-même a condamné le coup d’État en Guinée, qui pourrait, selon ses mots, « saper les progrès en matière de gouvernance démocratique et responsable ».

La deuxième question est de savoir si la façon dont les sociétés minières traitent les communautés voisines de ses exploitations connaîtra des améliorations.

Si les responsables du gouvernement et les entreprises minières ont beau louer l’impact des activités minières sur l’emploi et l’économie locale, de nombreuses communautés témoignent que l’exploitation minière détruit leurs terres agricoles, pollue leurs sources d’eau et les plonge dans une pauvreté encore plus grande.

Le gouvernement de Condé a bien trop peu agi pour vérifier que les entreprises minières respectent les droits humains. Il a autorisé les sociétés à travailler sans plans de gestion environnementale et sociale adéquats et les a aidées à éviter l’examen du public en maintenant la confidentialité de nombreux audits sur les impacts des activités minières effectués par le gouvernement et les entreprises.

Il se pourrait que le nouveau gouvernement se montre plus disposé à tenir tête à la puissante industrie minière, puisque Doumbouya a déclaré que « le respect scrupuleux des normes environnementales et sociales par les compagnies [était] impératif ». Mais une transition prolongée vers un régime civil risque d’affaiblir encore plus les ministères qui, au sein du gouvernement, supervisent les activités minières, et de retarder des réformes vitales, comme une réglementation attendue qui devrait exposer comment les sociétés devront compenser les communautés pour la perte de leurs terres.

La troisième interrogation porte sur le devenir des futurs projets miniers.

Aussi bien le gouvernement de Condé que les leaders du coup d’État ont promis que la Guinée transformerait une plus grande part de sa bauxite en alumine, un produit intermédiaire nécessaire à la production d’aluminium – ce qui retiendrait davantage de bénéfices à l’intérieur du pays.

Mais les raffineries d’alumine risquent de causer de nouveaux préjudices en matière d’environnement et de droits humains, notamment des fuites de boues rouges toxiques. La principale entreprise extractive guinéenne, la Société minière de Boké (SMB), envisage par ailleurs d’importer du charbon de Chine pour alimenter sa nouvelle raffinerie, ce qui augmenterait les émissions de carbone de la Guinée, mais aussi dégagerait des polluants aériens nocifs.

Le nouveau gouvernement militaire a également indiqué qu’il soutenait l’exploitation de gisements de minerai de fer, y compris Simandou, un énorme gisement de haute qualité situé dans une forêt tropicale connue pour sa biodiversité. SMB détient les droits de la moitié de Simandou, l’autre moitié étant détenue par le géant minier mondial Rio Tinto et par Chinalco, une société chinoise soutenue par l’État.

Le gouvernement de transition de la Guinée devrait examiner de près les plans de ces trois entreprises visant à développer le projet Simandou, qui exigent par ailleurs la construction d’une voie ferrée longue de 650 km. Depuis 2015, la rapide expansion de SMB dans le secteur de la bauxite guinéen a eu des impacts destructeurs sur les terres et les sources d’eau des communautés ; tandis que Rio Tinto possède partiellement une mine de bauxite exploitée depuis des dizaines d’années qui, elle aussi, a des antécédents préoccupants en matière de droits humains.

Que ce soit pour Simandou ou les autres accords miniers signés sous la présidence de Condé, le nouveau gouvernement devrait veiller à ce que les contrats, et la façon dont ils ont été octroyés, aient prévu des protections suffisantes contre la corruption et des garanties de respect de normes rigoureuses en matière de droits humains et d’environnement.

Les sociétés minières se sont dans l’ensemble montrées impassibles face au coup d’État. Cependant, dans le cas de ce secteur qui a tant profité du contrôle lâche et des réglementations peu strictes du gouvernement de Condé, la transition génère à la fois un risque accru d’atteintes aux droits humains et une opportunité d’apporter des améliorations, si le gouvernement et les entreprises en ont la volonté.

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