S’il y a un domaine dans lequel la gouvernance Alpha Condé est plutôt positive, c’est indéniablement l’ouverture du pays à l’étranger contribuant à cultiver une certaine image de la Guinée qui renaît de ses cendres. Le fameux « Guinea is back », quoi que dévoyé.
En, effet depuis son arrivée au pouvoir en 2010, le président Condé a mis à contribution son carnet d’adresses étoffé pour lancer une véritable offensive diplomatique à travers des voyages et visites d’État tous azimuts à l’étranger, sans compter les nombreux chefs d’États et de gouvernements ainsi que de personnalités de haut rang reçus chaque année en Guinée.
On peut légitimement critiquer ces voyages nombreux et dispendieux, tout comme ces réceptions parfois somptuaires ; ils ont néanmoins contribué à redonner du poil de la bête à l’image de notre pays souvent associée aux crises socio-politiques et sanitaires. Même si ces crises sont loin d’avoir été résorbées, elles ne sont plus les seules à faire la UNE de la presse internationale qui s’en donnait à cœur joie.
Mais la visite en cours du président aux États-Unis semble avoir tout foutu en l’air. Ce qui était présenté d’abord par les médias publics comme « une visite d’État », avant d’être requalifié en « voyage d’affaires », s’est transformé en un désastre diplomatique ruinant l’image du président et conséquemment celle du pays. Et le mal vient de la communication. A Tous les niveaux.
Les images de la télévision nationale montrant l’arrivée du président Condé à Washington frisent la honte. On y voit le chef de l’État accueilli à sa descente d’avion par … l’ambassadeur de Guinée aux États-Unis, le ministre guinéen des Affaires étrangères, l’ambassadeur des USA en Guinée et une poignée de ressortissants guinéens que le commentateur de la RTG qualifie de « Guinéens sortis massivement accueillir leur président ». Un classique de la désinformation.
Les jours suivants, on le voit successivement conférer avec des femmes et hommes d’affaires américains et quelques personnalités de type « seconds couteaux ». Mais toujours aucune image d’une rencontre de « haut niveau avec les autorités fédérales » comme le prévoyait prudemment un communiqué de l’ambassade de Guinée. Et surtout pas de Donald Trump, le président américain.
Les choses commencent à se dégrader le 11 septembre lorsqu’on voit un Alpha Condé en lunettes noires, signe de deuil, déposant une gerbe de fleurs aidé d’un …Shérif en l’honneur des victimes des attentats du 11 septembre 2001. Les images sont publiées sur la Page Facebook officielle du président. Les réseaux sociaux s’emballent, les critiquent fusent : « du n’importe quoi ! », « Compassion mal placée », « et les victimes du 28 septembre ? » et les plus de 100 morts dans les violences politiques depuis 2010 ? » « Où est Donald Trump ? » Se demande-t-on, entre colère et railleries.
Les Guinéens de Guinée sont un peu sonnés de voir leur président passer près d’une semaine dans un pays étranger sans rencontrer le président de ce pays, fut-il celui des États-Unis d’Amérique. Mais, ça se méconnaitre l’Amérique de Trump !
Puis arrive cette rencontre, le 13 septembre, avec le Secrétaire d’État Mike Pompeo. Enfin, une rencontre de « haut niveau ». Sur sa Page Facebook, le président Condé, costume gris, cravate mauve, fait le compte rendu de la réunion sourire aux lèvres précisant « que la Guinée et les États-Unis ont une convergence de vues sur de nombreux sujets d’intérêt commun ». Quels sujets ? Mystère !
Côté américain, on est plus explicite et moins dithyrambique. Sur le site du Secrétariat d’État, un communiqué sans ambages annonce que les deux hommes ont également discuté « des prochaines élections en Guinée », même si, interrogé dès son arrivée en Amérique par la VOA, notre président avait déclaré qu’il n’était pas là-bas pour parler de politique mais de business, mettant ainsi en garde le journaliste de s’aventurer plus loin.
Pompeo lui, est allé beaucoup plus loin affirmant qu’il « a exprimé le ferme soutien des États-Unis à voir des transitions de pouvoir régulières et démocratiques, (…) d’institutions plus solides et moins entachées de corruption. ». C’est en langage diplomatique, mais guère besoin d’explication. C’est limpide.
Bref, au-delà de ce camouflet pour les soutiens à un changement de Constitution, je trouve personnellement que l’image de notre pays a pris un sacré coup à travers cette communication désastreuse.
Même si je suis parfaitement conscient du fonctionnement de l’Administration américaine en matière d’invitation et de visites officielles, je suis néanmoins choqué de voir le président de mon pays passer une semaine dans un pays étranger sans pouvoir rencontrer le chef suprême de celui-ci. Je m’en fous du comment et du pourquoi. J’aurais préféré ne pas savoir qu’il est là-bas et qu’il ne peut pas le rencontrer, en tout cas pas tout de suite.
Bref, il y a des occasions où s’abstenir de communiquer est la meilleure stratégie en matière de communication. Ce voyage du président en était une.
En temps normal, on aurait appris de nos erreurs, le président aurait demandé des comptes à ses collaborateurs qui pilotent tout cela, mais je sais que, comme d’habitude, il n’en sera rien. Au contraire, comme d’habitude, cette bérézina sera transformée sans scrupules comme un succès diplomatique retentissant. Et ceux qui pensent le contraire et le disent, comme moi, seront qualifiés d’apatrides indignes à passer sur la potence. La République du déni. Pathétique.
Par Alimou Sow, Blogueur