C’est ce que l’on appelle une année churchillienne : rien que de la sueur, rien que des larmes, rien que du sang ! Une véritable annus horribilis, pour parler comme la reine Elizabeth II, qui a d’ailleurs préféré s’éclipser dès que l’horrible a pointé le bout de son nez. En Ukraine, le conflit s’est enlisé et la guerre est devenue la norme dans une région que l’on croyait à l’abri depuis la bataille de Stalingrad de juillet 1942 à février 1943. Quant au Moyen-Orient, il s’est à nouveau embrasé et les images insoutenables qui nous en viennent ne présagent aucun espoir de paix dans le moyen terme.
Les guerres crèvent l’écran
Dans le monde-spectacle qu’est devenu le nôtre, ce sont les guerres, les matchs de football et les concerts de rock qui affolent l’audimat. Et, dans ce trio, ce sont les guerres qui mènent. Loin devant les comédiens, ce sont les soldats, les vrais, qui crèvent l’écran. Les vedettes ne s’appellent plus Yul Brynner, Burt Lancaster, Humphrey Bogart ou John Wayne. Aujourd’hui, ils ont pour nom Poutine, Zelensky, Netanyahou et Haniyeh.
C’est si vrai que l’on peut parler de guerres de série A et de guerres de série B.
Il y a les guerres télégéniques, celles des riches, celles des beaux acteurs, et il y a les autres, celles où les décors sont si miteux et les rôles si mal tenus qu’elles ne méritent même pas d’être citées. Ainsi des guerres oubliées de l’est du Congo par qui n’attirent aucune caméra, ne suscitent aucune indignation alors que 8 millions de personnes y ont perdu la vie ces dix dernières années.
Vous me direz que, comme Ebola, la guerre est endémique, presque normale en Afrique. La preuve, si elle s’est éteinte dans le Tigré, elle s’est aussitôt rallumée au Soudan, et on attend anxieusement le nombre de victimes que cette petite dernière va engendrer.
La démocratie désormais en mode pause
Quant aux coups d’État, cette autre endémie que l’on croyait éradiquée, les voilà de retour (deux rien que pour l’année écoulée !) sans trêve et sans complexe, comme à l’époque d’Idi Amin Dada. Il est temps de se faire une raison : l’illusion démocratique née au début des années 1990 est morte et bel et bien enterrée. Les Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya, Ibrahim Traoré, Abdourahamane Tiani et autres Déby fils sont là pour longtemps et, même si c’était possible, pour toujours.
La nature en folie
Comme si les conflits et les déconvenues ne suffisaient pas, la folie de dame Nature est venue s’ajouter à celle des hommes. L’année 2023 fut celle par excellence du dérèglement climatique, entendez l’année la plus chaude de l’histoire de la planète.
Mais il n’y eut pas que des chaleurs, des crues et des tempêtes, il y eut aussi des tremblements de terre en Turquie, en Syrie, au Maroc et, ce lundi 1er janvier, au Japon, comme si elle avait voulu nous laisser un petit pourboire avant de quitter la table.
Des raisons d’espérer ?
En fouillant, on peut tout de même trouver deux ou trois bonnes nouvelles, histoire de nous rassurer « quant au riche avenir » de notre planète, pour reprendre le beau titre du roman de Marie NDiaye : l’armée malienne a repris la ville de Kidal. Ce n’est pas rien. Avec ou sans Wagner, c’est un début de reconquête ; au Liberia, la très honorable défaite de George Weah est une lueur d’espoir. Le seul Ballon d’or africain a quitté le pouvoir la tête haute après une élection régulière et transparente. Thank you, Mister George ! Nous préférons cette défaite-là à la victoire de Tshisekedi au Congo. 73 % dès le premier tour, c’est suspect ; et, à certains égards, digne de Bongo ou de Mobutu !
Bonne année, quand même !
Par Tierno Monénembo, in lePoint