Cinq personnes, dont trois hauts responsables politiques libériens, et la compagnie minière britannique Sable Mining, accusée de les avoir corrompus, ont été inculpées de « crimes économiques », a annoncé mercredi le ministre de l’Information du Liberia, Eugene Nagbe.
Peu auparavant, une source de sécurité avait fait état de l’arrestation mercredi matin d’un des cinq hommes, le chef du parti au pouvoir et ancien avocat de la société, Varney Sherman.
« Les poursuites visent pour le moment le président de l’Assemblée (Alex) Tyler, Varney Sherman, Ernest C.B. Jones, Chris Onunuga et Sable Mining. D’autres personnes font encore l’objet d’enquêtes », a déclaré le ministre à l’AFP.
Monsieur Nagbe faisait référence à des personnes citées dans un rapport publié le 11 mai par l’ONG britannique Global Witness accusant la compagnie de pratiques de corruption pour obtenir ou sécuriser des permis d’exploitation au Liberia et en Guinée où le fils du président Alpha Condé est cité également.
Monsieur Tyler, M. Jones, un ancien secrétaire d’Etat aux Mines, et M. Onunuga, un facilitateur dans le secteur minier, sont tous trois cités dans le rapport comme bénéficiaires de fonds de Sable Mining, destinés à favoriser les affaires de la compagnie au Liberia, avec l’aide du cabinet de M. Sherman.
Ce dernier « a été arrêté tôt ce matin (mercredi) à son domicile parce qu’il a refusé de coopérer avec la commission spéciale formée par la présidente » Ellen Johnson Sirleaf pour enquêter sur cette affaire, a affirmé à l’AFP la source de sécurité sous couvert d’anonymat.
Des enquêteurs spécialisés ont perquisitionné lundi les bureaux de M. Sherman, mais n’ont pas pu accéder à son domicile, car de jeunes militants du parti au pouvoir les en ont empêchés, selon le chef de la commission présidentielle, Jonathan Koffa, qui avait menacé de recourir à la force.
Des policiers se sont également déployés devant le domicile de M. Tyler mercredi matin. « Le président de l’Assemblée le rejoindra bientôt (M. Sherman) au tribunal », a affirmé la source de sécurité.
Monsieur Sherman a réfuté toute malversation dans ce dossier, reconnaissant avoir effectué des paiements pour Sable Mining en tant qu’avocat, couvert selon lui par le secret professionnel. Il s’est dit prêt à coopérer dans cette enquête, mais pas avec la commission spéciale désignée par la présidence.
Dans un communiqué transmis à l’AFP, la société a dénoncé « des allégations inexactes et infondées » dans le rapport, établi « essentiellement sur la base de discussions non corroborées avec trois anciens associés (…) dont le témoignage n’est pas fiable ».
Elle dit avoir vérifié les faits incriminés et n’avoir « trouvé aucune preuve qui soutienne ou justifie cette attaque contre la compagnie ou ses directeurs, anciens ou actuels ».
Par le passé, Mme Sirleaf n’a pas non plus été épargnée par les accusations de corruption et de népotisme, en particulier en faveur de ses fils.
Le nom de son beau-fils, Fombah Sirleaf, chef des services de renseignements du pays, apparaît d’ailleurs dans le rapport comme bénéficiaire de milliers de dollars de frais – notamment de voyages et de téléphone.
Au total, Global Witness accuse la compagnie minière d’avoir payé près de 960.000 dollars (plus de 855.000 euros) à plusieurs responsables libériens ou à leurs proches entre 2010 et 2012 pour s’assurer leurs faveurs en vue de l’obtention de concessions pour l’extraction de minerai de fer.
En Guinée, si le ministre de la justice a rassuré que « s’il y a des compatriotes qui ont reçu de l’argent dans ce dossier, tout le monde le saura », beaucoup redoute que la justice guinéenne classe ce dossier. Un dossier qui pèse lord sur le fils unique du président Condé, Mohamed Alpha.
Sable Mining a été fondée par les Britanniques Philippe-Henri Edmonds dit Phil Edmonds, ancienne vedette de cricket, et Andrew Groves, accusés par l’ONG d’avoir « bâti leur empire sur le marché boursier par la corruption et les escroqueries ».
avec AFP