Déflagration politique: quelques heures à peine après avoir formé son gouvernement, Sébastien Lecornu a remis lundi sa démission à Emmanuel Macron, sous le feu des critiques et fragilisé de l’intérieur par la fronde des Républicains de Bruno Retailleau.
Le locataire de Matignon, nommé le 9 septembre et qui devait tenir son premier Conseil des ministres à la tête du gouvernement à 16h00, s’est rendu aux premières heures de la matinée à l’Élysée pour remettre sa démission au président, qui l’a acceptée, selon un communiqué de la présidence.
« Les conditions n’étaient plus remplies » pour rester Premier ministre, a-t-il déclaré un peu plus tard dans la cour de Matignon, regrettant « les appétits partisans » qui ont conduit à sa démission, une allusion claire à Bruno Retailleau, qui dimanche soir a précipité sa chute en remettant en cause la participation des Républicains au gouvernement à peine celui-ci formé.
Les partis politiques « continuent d’adopter une posture comme s’ils avaient tous la majorité absolue », a déploré Sébastien Lecornu, reconnaissant que son offre de renoncer au 49.3 pour redonner la main au Parlement n’avait « pas permis ce choc de se dire qu’on peut faire différemment ».
Il s’agit du gouvernement le plus bref de la Ve République, à peine plus d’une douzaine d’heures. Sa chute plonge la France dans une crise politique sans précédent depuis des décennies.
Cette instabilité provoquait lundi matin la chute de près de 2% de la Bourse de Paris. Sur le marché obligataire, le taux d’intérêt français à dix ans était, lui, en forte hausse.
Calme
Que va faire le Président de la République ? Dissoudre comme le demande le RN, démissionner comme le voudrait LFI ou renommer un nouveau Premier ministre ?
Nul ne le sait. « Nous devons garder notre calme et penser aux Français », a déclaré lundi Michel Barnier, qui avait lui-même été renversé par l’Assemblée nationale au bout de trois mois à Matignon.
Troisième Premier ministre désigné en un an, après que la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 a donné lieu à un hémicycle ingouvernable, divisé en trois blocs très polarisés, Sébastien Lecornu, un très proche d’Emmanuel Macron, s’est retrouvé fragilisé alors qu’il venait de composer dimanche soir un gouvernement de 18 ministres, dont 12 sortants reconduits dans leurs portefeuilles.
Très remonté face à une composition qui « ne reflète pas la rupture promise », le patron de LR Bruno Retailleau, lui-même reconduit à l’Intérieur, avait immédiatement convoqué en urgence le comité stratégique du parti gaulliste, qui devait se tenir à 11h30.
Mais la décision était semble-t-il déjà prise. LR ne pouvait pas « offrir un dernier tour de piste » à la Macronie, a expliqué lundi son vice-président François-Xavier Bellamy. Les Républicains n’ont pas « à redouter une dissolution ».
Principal objet de la rupture: le retour surprise aux Armées de Bruno Le Maire, symbole pour la droite du dérapage budgétaire des dernières années de gouvernements macronistes. Mais aussi la large part réservée à Renaissance dans le gouvernement – avec 10 ministres, contre 4 à LR.
Quant au chef des centristes de l’UDI, Hervé Marseille, il a estimé dimanche auprès de l’AFP, que « les choix effectués par le Premier ministre redonnent à l’UDI sa liberté ».
Dissolution?
Presque simultanément à l’annonce de la démission de Sébastien Lecornu, le président du Rassemblement national Jordan Bardella a appelé Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale et provoquer de nouvelles législatives anticipées.
« Il ne peut y avoir de stabilité retrouvée sans un retour aux urnes », a-t-il déclaré en arrivant au siège du parti d’extrême droite pour évoquer la situation avec Marine Le Pen. Cette dernière a également estimé une dissolution « absolument incontournable » et une démission d’Emmanuel Macron, la « seule décision sage ».
Le leader de la France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a demandé l’examen « immédiat » d’une motion de destitution du président de la République et proposé aux autres partis de gauche « une rencontre cet après-midi ».
« Recyclage », « provocation », « bras d’honneur », « déni de démocratie », choix « effarant et inexplicable » ou « insultant »… L’exaspération s’était fait sentir dans tous les partis d’opposition dimanche, avivant le spectre d’une censure rapide.
Le PS d’Olivier Faure avait à nouveau promis lundi de faire tomber le gouvernement sauf à obtenir un nouveau débat parlementaire sur la réforme des retraites.
Le patron des socialistes a ensuite salué la décision de Sébastien Lecornu un « gaulliste » qui vient de « démissionner avec dignité et honneur ».
Le président de la République « n’a tiré aucune conclusion de la défaite qui était la sienne dans les urnes et moi, je ne connais qu’un maître, qu’un guide, c’est le suffrage universel », a relevé de son côté le chef des députés PS Boris Vallaud.
AFP