Paul, l’un des Observateurs de France24 au Burkina Faso, nous alerte sur une société, QuestNet, qui développe un réseau de vente qui lui semble douteux dans son pays. Après enquête, il s’avère que cette société, déjà interdite dans plusieurs pays d’Amérique et d’Asie, tente effectivement d’implanter en Afrique un commerce de type « pyramidal », une vieille arnaque déguisée en système de vente révolutionnaire.
Il explique dans cet article publié sur le site observers.france24.com comment fonctionne le système
Paul M. (pseudonyme) souhaite rester anonyme. Il a été invité par un ami à une conférence organisée par QuestNet dans un hôtel de Koudougou, au Burkina Faso.
Nous étions une centaine dans l’hôtel. Les gens de QuestNet nous ont expliqué que leur société commercialise deux produits. Le Bio Disc d’une part, un filtre qui permettrait « d’énergiser l’eau » et présenté comme un remède miracle. Le ChiPendant d’autre part, un pendentif qui éloignerait les mauvaises ondes (portable, micro-onde, etc.) et qui permettrait d’améliorer sa forme de façon spectaculaire.
On nous a expliqué que revendre ces produits pouvait nous rendre riche. L’achat du premier Bio Disc, ou du premier ChiPendant, est certes très onéreux, 325 000 F CFA (495 euros) mais, selon eux, nous pourrons rentrer rapidement dans nos frais. Car dès que nous recrutons deux personnes pour revendre ces produits, nous gagnons 30 000 F CFA. Ensuite, nous touchons une commission sur chaque nouveau revendeur que nous attirons, mais aussi sur les revendeurs qu’eux même auront recruté. D’après eux, on peut ainsi devenir riche très vite. Ils nous ont d’ailleurs affirmé que 2 000 personnes vendaient déjà leurs produits au Burkina.
Ce type de commerce me semble suspicieux. D’abord parce que leurs produits est tellement cher que des gens autour moi sont obligés de s’endetter pour l’acheter. Ensuite parce que je ne suis pas convaincu de l’efficacité du Bio Disc et du ChiPendant. J’ai fait des recherches sur Internet, personne ne parle de ces produits en France. Or, s’ils étaient si efficaces que ça, est-ce qu’on les vendrait uniquement au Burkina ? »
Décryptage d’une arnaque
Alertée par notre Observateur, l’équipe des Observateurs de France 24 a fait une enquête sur la société QuestNet.
La société QuestNet pratique la vente « pyramidale », un système qui lui permet d’arnaquer les vendeurs de ses produits. Ce système de vente est connu et parfaitement expliqué sur cette page Wikipedia. En résumé, QuestNet fait croire à ses vendeurs qu’ils parviendront à trouver facilement des revendeurs sur lesquels ils toucheront des commissions. Or c’est faux. Le système peut effectivement permettre aux tout premiers vendeurs de gagner un peu d’argent, en profitant de la crédulité de leurs proches. Mais, très vite, le nombre de vendeurs est trop important et il n’y a plus assez d’acheteurs pour écouler les produits QuestNet. L’immense majorité des gens qui achètent très cher le Bio Disc ou le ChiPendant n’ont donc aucune chance de recruter assez de vendeurs pour rentrer dans leur investissement.
Ce système de vente est interdit dans plusieurs pays, notamment en France, au Canada et en Belgique. La société QuestNet profite depuis des années du flou qui existe dans certaines législations nationales pour développer son arnaque. Dès que son activité soulève des suspicions dans un pays, elle en cherche un nouveau où s’implanter.
Interdit en Inde et à Dubaï
L’origine géographique de QuestNet est inconnue, mais nous avons retrouvé de premiers signes de son activité aux États-Unis, où elle vendait, sous le nom de « Gold Quest », des pièces de monnaie de collection aux populations amérindiennes. Depuis le début, son activité est basée sur une arnaque de type pyramidal.
Condamnée aux Etats-Unis (ici une décision de la SEC, le gendarme de la bourse américain, contre GoldQuest), Gold Quest/Quest Nest s’est également implantée dans d’autres pays, adaptant ses produits au marché local, mais appliquant toujours la même méthode de vente. Elle a ainsi été condamnée en Inde, à Dubaï et a attiré l’attention de parlementaires au Cambodge.
Elle a d’abord tenté de commercialiser des sous-verres censés protéger du sida…
La société s’implante aujourd’hui sur le continent africain. Elle a d’abord tenté de commercialiser des sous-verres censés protéger du sida en Ouganda, au Kenya et au Rwanda. Dans ce dernier pays, une enquête lancée par la Banque nationale du Rwanda a toutefois rapidement abouti à l’interdiction de QuestNet, sur décision expresse du ministre des Finances. QuestNet tente aujourd’hui de s’implanter dans d’autres pays du continent, comme la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso.
L’arnaque de QuestNet touche surtout les plus pauvres
Les objets commercialisés par QuestNet sont présentés comme des remèdes miracles, sans bien sûr que leur efficacité soit prouvée scientifiquement. Mais là n’est finalement pas le problème, car c’est le système de vente lui-même qui est frauduleux. L’arnaque de QuestNet touche surtout les plus pauvres, ceux qui rêvent de devenir riche rapidement. L’arnaque participe en outre à la destruction du tissu familial. Car c’est auprès de leur famille et de leurs amis que les vendeurs de QuestNet tentent de recruter des revendeurs. Ils poussent souvent leurs proches à s’endetter et se retrouvent responsables de leurs problèmes financiers lorsque la pyramide s’écroule.
Nul besoin d’ouvrir un bureau
QuestNet dispose d’une méthode très efficace pour se développer dans un nouveau pays. Nul besoin d’ouvrir un bureau. La société commence par organiser une réunion d’informations, le plus souvent dans un hôtel. Elle attire ses premiers vendeurs en leur offrant notamment des tarifs préférentiels. Une fois ces premiers vendeurs recrutés, la viralité du système fait le reste. QuestNet transfère ensuite rapidement ses bénéfices hors du pays, avant que le nombre de vendeurs soit trop important, que la pyramide s’effondre et que le scandale éclate.
La société sait très bien gérer sa communication et utilise le Net pour répondre aux attaques dont elle fait l’objet. Elle met notamment en ligne des blogs et des pages de questions/réponses spécifiques à tous les pays dans lesquels elle s’implante (ici pour la Côte d’Ivoire). Elle dispose également de nombreux sites et blogs très bien référencés dans Google. Ils ressortent parmi les premiers résultats de recherche pour « QuestNet fraud » ou « Qest Net scam ». Sur ces pages, QuestNet affirme utiliser un système de vente « à plusieurs étages » tout à fait légal, et non « pyramidal ». Dans la plupart des pays où la société s’est implantée, les juges ont vu les choses autrement…
Source : les Observateurs de France24