Sierra Leone: aucun diamant ne vaut la vie d’une communauté

Le gouvernement sierra-léonais doit continuer à veiller à ce que les droits humains des personnes vivant à proximité de la mine de diamants exploitée par Meya Mining dans le district de Kono (Est du pays) soient protégés, a déclaré Amnesty International le 15 décembre. L’organisation a également exhorté Meya Mining à respecter ses engagements à répondre aux inquiétudes exprimées par la population locale.

Entre 2018 et 2021, des délégués d’Amnesty International ont mené des recherches dans le district de Kono sur l’impact des activités minières de Meya Mining. Ces recherches ont permis d’identifier plusieurs problèmes, notamment la présence d’eau insalubre dans les puits de forage construits par Meya, des dangers pour les populations vivant à proximité de la mine et d’autres violations des droits socio-économiques des résident·e·s locaux.

Après qu’Amnesty International a fait état de ces motifs de préoccupation aux autorités sierra-léonaises et à Meya Mining, l’organisation a reçu en août 2022 une réponse de cette entreprise à la question de savoir quelles mesures avaient été prises afin de consulter les populations voisines, et de prévenir tout impact néfaste de ses activités minières, telle que la pollution de l’eau. À ce jour, Amnesty International n’a reçu aucune réponse approfondie de la part des autorités sierra-léonaises.

« Les autorités doivent s’assurer que des mesures sont prises afin de remédier à l’ensemble des problèmes soulevés. Si le Parlement sierra-léonais a adopté le 9 août la Loi de 2022 relative au développement en matière de mines et de minéraux, qui a pour objectif d’améliorer le bien-être des communautés concernées par les activités d’exploration minière futures, le gouvernement sierra-léonais doit garantir que toute personne dont les droits humains ont été bafoués par une société minière ait accès à la justice, à un mécanisme de recours effectif et à des réparations », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à Amnesty International.

En 2018, Amnesty International a entamé des recherches sur les activités minières dans le district de Kono. Selon les témoignages recueillis par l’organisation, de nombreux résident·e·s ont affirmé qu’ils n’avaient pas été associés à un véritable processus de consultation avant le début des opérations minières. Amnesty International rappelle que les normes internationales relatives aux droits humains, notamment les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, indiquent clairement que les communautés doivent donner leur consentement avant toute forme d’exploitation des ressources sur leurs terres traditionnelles et qu’elles doivent aussi en bénéficier.

« Tout a disparu »

« L’endroit où se trouve l’usine de Meya Mining était un marécage. [Nous] avions une plantation à cet endroit-là. Tout a disparu maintenant. Je subsistais grâce à ma plantation qui me permettait de me nourrir et de payer l’école pour mes enfants […] Nous ne tirons aucun bénéfice de leurs activités. Ils m’ont simplement donné 98 dollars des États-Unis pour le marécage et la plantation », a déclaré une femme du village de Simbakoro.

En 2019, Amnesty International a aussi recueilli des échantillons d’eau provenant des deux forages réalisés par Meya Mining dans le village de Koaquima, pour les faire analyser. Les résultats des analyses ont révélé des niveaux élevés de nitrates dans les deux échantillons (110 mg/l pour l’échantillon n° 1 et 120 mg/l pour l’échantillon n° 2), niveaux qui se situent bien au-delà de la concentration limite de nitrate fixée par l’Organisation mondiale de la santé (50 milligrammes par litre).

À l’époque, les résident·e·s se plaignaient du puits de forage de Meya Mining : « Nous ne pouvons pas boire l’eau provenant du forage réalisé par Meya. Elle contient des spirogyres [une espèce d’algue]. On les voit dans cette eau. C’est un poison. Nous utilisons cette eau pour la lessive et la cuisine, parce qu’elle a un goût, elle est salée », a déclaré une personne qui habite dans le village de Kaoquima, situé dans un secteur où Meya Mining mène ses activités.

Meya Mining confirme avoir également analysé l’eau des puits de forage la même année, et n’a pas contesté la forte concentration de nitrates.

Contraints de se mettre à l’abri à cause des explosions

Des explosions ont lieu dans la mine après l’envoi aux populations d’une notification de la part de l’entreprise. Avant le début des explosions, les habitant·e·s ont expliqué qu’ils sont obligés d’évacuer leur domicile et de se mettre à l’abri dans différentes structures érigées par la compagnie minière jusqu’à la fin des détonations.

Au moment de l’enquête effectuée par Amnesty International, la structure de bois et de bâches érigée par Meya Mining à Simbakoro dans laquelle les habitant·e·s se mettaient à l’abri était pleine de trous et en mauvais état. Elle ne pouvait par ailleurs pas accueillir plus de 300 personnes, alors qu’il y a plus de 2 000 habitant·e·s sur place. Les résident·e·s de Simbakoro ne se sentaient pas en sécurité sous cette structure lorsque les explosions avaient lieu. Ainsi, un des membres de la communauté a expliqué : « Cet abri n’est pas sûr.. [Il] n’est pas adapté aux humains. Il ressemble à un abri pour les cochons. C’est pour les animaux. »

Amnesty International est aussi préoccupée par l’insuffisance des mesures prises afin de garantir la sécurité des sites miniers, malgré la proximité de populations locales, notamment d’enfants.

Ce que dit Meya Mining

En réaction aux préoccupations soulevées par Amnesty International, Meya Mining a déclaré avoir pris des mesures afin de limiter certains des impacts liés à l’exploitation des mines de diamants.

Selon la réponse reçue par Amnesty International en août 2022, des clôtures seront érigées autour du site minier afin de renforcer la sécurité des résident·e·s. Toujours sur le plan de la sécurité, un abri anti-explosion permanent sera construit afin de remplacer la structure temporaire dont les faiblesses ont été mises en évidence par les recherches effectuées par Amnesty International.

Meya Mining affirme par ailleurs avoir mis en place des systèmes de filtration et de purification de l’eau afin de réduire le niveau de nitrates dans les puits de forage. Meya Mining a aussi déclaré avoir suffisamment consulté la population locale et indiqué à Amnesty International qu’une évaluation de l’impact socio-environnemental a été effectuée afin de limiter les répercussions sociétales et environnementales sur les résident·e·s locaux.

« Si Amnesty International salue les engagements pris par Meya et les nouvelles mesures visant à renforcer les droits de la population, l’organisation encourage les autorités sierra-léonaises et la société minière à faire tout ce qui est en leur pouvoir, en coopération avec les populations locales, pour atténuer les souffrances de celles-ci en relation avec les activités minières, de sorte que les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme soient toujours respectés », a déclaré Samira Daoud.

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