C’est un étrange mensonge, atroce et banal. Dans la nuit de mardi, il a de nouveau ravagé sa victime sans le prévenir…
C’est un tragique mensonge, terrible et banal. Il prospère de nuit, le mardi de préférence. Il était 20h lorsqu’il a encore fondu sur sa victime, la jeunesse sénégalaise, sans s’annoncer. Nerveux, impur et lourd.
Le coup porté par celui qui se rapprochait le plus d’elle, celui dont elle se méfiait le moins, est un coup de grâce. Il ne s’agissait pourtant pas comme le 31 décembre 2011 du baroud d’honneur d’un vieux président, arrivé tard au pouvoir. Il ne s’agissait pas non plus de l’appétit boulimique d’un parti usé par les délices et les ors.
Qui aurait cru, hier, entendre ce que l’on pensait réservé aux pays bananiers dont les sénégalais se sont toujours moqueusement distingués ? Ce pourrait être un discours anodin, banalement prononcé pour un malheur intime quotidien. C’est une phrase terrible comme nous l’avons entendue hier de la bouche du président de la République. «Le mandat en cours connaîtra son terme en 2019» Macky Sall.
A écouter hier le président de la République s’exprimer, exclusivement en français, face aux sénégalais, l’on pouvait se demander qui parlait : Macky Sall ou Abdoulaye Wade ? Un peu des deux, sans doute, en tout cas un président, un « fils » qui a appris la leçon. Et l’on se se retourne vers le sort: pourquoi ce jeu de dés pipés nous destine à cette lâcheté?
Le complexe colonial s’affranchit définitivement aussi bien du temps et de l’espace que de la coloration de la peau. Le PDS et APR unis, dans l’abus de pouvoir, pour le pouvoir comme but ultime et final. C’est bien la moindre des choses. Enfin, les masques tombent. Macky Sall nous révèle son vrai visage. Ce visage qu’il aura malicieusement dissimulé aux sénégalais pendant quatre longues années avec la complicité de leaders d’une coalition déphasée qui ne représente plus que ses intérêts immédiats et primaires.
Il fallait bien cela pour préserver le pré-carré menacé d’une coalition qui a fini de dilapider son autorité morale et dont on sent qu’il est beaucoup plus fragile qu’au mois de mars 2012. Face à une désespérance sénégalaise agrandie par l’inimaginable massacre de la parole auquel vient de se livrer le président de la République.
A écouter Macky Sall, comme à entendre ses thuriféraires commenter hier soir les décisions présidentielles, une question venait à l’esprit : que ne l’a-t-on fait plus tôt ? Pourquoi la confiance et la foi ont-ils pour revers l’agression et le mépris qu’on fait subir à nos âmes? Comment croire à la responsabilité individuelle dans une patrie produite et maternée dans un climat d’irresponsabilité collective? Comment a t-on pu avaler aussi naïvement ce somnifère? Par quelle magie cette chirurgie du blanchiment avait-elle pu défigurer un visage si lisse et rond? Pourquoi avoir attendu qu’il se soit passé quatre longues années avant de trahir une parole que les sénégalais espéraient comme une sorte de baume nécessaire pour leurs plaies purulentes ?
Aucune ratiocination juridique, aucune considération sémantique, aucune argutie technique, ne peut convaincre des sénégalais à qui on vient de refuser l’entrée dans la modernité politique. Même un ingénieur saurait faire la différence entre un avis consultatif et une décision ayant force judiciaire. En décidant de faire avaler sa manœuvre par le conseil constitutionnel, Macky Sall poursuit l’entreprise de confusion morale, politique et de destruction de l’Etat de droit démarrée sous Abdoulaye Wade.
Énième reniement désastreux pour la démocratie sénégalaise. Après avoir échoué à pourvoir aux 500 000 emplois promis à la jeunesse, saboté le procés Karim Wade en finissant par en faire une victime, entravé en rase campagne la traque des biens mal acquis, loupé le train de la réduction du fonctionnement de l’Etat avec un gouvernement pléthorique et dispendieux, raté l’élévation au rang de chef de l’Etat au profit de celui de chef de parti, cédé face aux logiques de prostitution politique incarnées par la « transhumance » portée au pinacle et enfin failli saboter la révolution burkinabé, Macky Sall vient de perdre la dernière légitimité qui lui restait : la légitimité morale.
En vérité, ce que les sénégalais espéraient comme toujours c’est le symbole. Cette dernière ressource mystifiée. Cette Mecque qui brisait leur peur. Cette image qu’ils pouvaient être meilleurs. Meilleurs que ceux qui les ont précédés dans la longue route de la construction d’une nation sénégalaise au sein d’un continent ravagé par la violence de l’incompétence et de la corruption. Mieux que les résultats économiques désastreux, tenir sa parole, respecter sa parole, son image, être digne, respecter le corps sénégalais, le corps noir. De faire, encore, du Sénégal le laboratoire d’une Afrique capable de se surpasser, de transcender sa condition historique pour être digne de l’espérance de ses enfants. De s’inscrire dans le monde.
A présent, que les hommes et les femmes, les citoyens du pays, mettent à profit la crise morale et politique qu’amplifie Macky Sall pour briser les mythes aliénants d’une spécificité sénégalaise et faire face aux défis qui les attendent. Si le mensonge renforce l’identité et la cohésion du pouvoir. Grande devra être la capacité de résilience du peuple sénégalais.
Le référendum est l’occasion d’envoyer un message au président Sall et à sa coalition. Les sénégalais ne sont pas tous des moutons à sacrifier. A défaut, attendons nous au pire!
Par Karfa S. Diallo