Planification familiale : quelle est la situation en Guinée ?

Malgré plusieurs engagements des autorités, la planification familiale demeure un grand défi en Guinée, où le pourcentage d’utilisation de la contraception moderne se situe à hauteur de 11%, selon les données de l’Institut national de statiques. En 2016, elle se situait à hauteur de 7,8%.  Si on note une légère amélioration, il ressort que la Guinée reste encore parmi les pays qui détiennent le plus faible pourcentage en Afrique subsaharienne. Pourtant, en plus de l’expérience des pays d’Amérique latine et de l’Asie, la résolution de l’Union africaine de janvier 2014 et l’agenda « Afrique 2063 » montrent que le dividende démographique est un élément essentiel pour l’émergence des pays sous-développés.

Selon les professionnels de santé, la faible utilisation des services de santé de la reproduction en général et de la planification familiale (PF) en particulier, contribue fortement aux maladies ou aux décès des femmes enceintes, pendant ou après l’accouchement et des enfants de moins d’un an.

Malgré une diminution de l’indice synthétique de fécondité (ISF) de 5,8 à 4,8 entre 1983 et 2016, la mortalité maternelle reste encore très élevée et fortement préoccupante en Guinée, avec 550 pour 100 000 naissances vivantes. Or, en général 30% de ces cas pourraient être évités grâce à un renforcement de la planification familiale selon l’OMS qui estime qu’en 2015 le ratio de mortalité maternelle dans les pays en développement se situait à 239 décès pour 100.000 naissances contre 12 pour  100 000 naissances dans les pays développés.

En  Guinée, cette situation s’explique aussi par un déficit du personnel sanitaire.

En 2014, l’effectif total du personnel exerçant dans les structures de soins était de 5786, soit un médecin pour 12 059 habitants, et une sage-femme pour  6 427 femmes en âge de procréer, selon une étude de la Direction nationale de la santé familiale et de la nutrition (DNSFN). Or, la norme minimale de l’OMS exige 1 médecin pour 10 000 habitants et une sage-femme pour 5000 femmes en âge de procréer.

L’autre problème de la faible utilisation de la planification familiale est l’accroissement de la population avec toutes ses conséquences économiques.

Selon les projections démographiques de 2017 de l’INS (Institut national de statistiques), la population guinéenne était estimée à 11 883 516 habitants en 2018. Les prévisions indiquent qu’elle atteindra environ 13 622 399 en 2023. Avec une croissance démographique de près de 3%, elle devrait se situer à 20 687 892 en 2040.

Même si  l’indice synthétique de fécondité a décru au cours des trente dernières années, elle demeure bien au-delàs du seuil de renouvellement de la population qui se situe à 2,1 enfants par femme.

En dépit des instruments politiques nationaux et internationaux appuyant les services et les droits de santé sexuelle et reproductive, des nombreux guinéens, particulièrement, les adolescentes, les jeunes filles et les femmes, n’ont toujours pas accès à aucune forme de planning familial moderne, faisant qu’à peine deux femmes nécessiteuses sur cinq utilisent la contraception moderne, souligne le plan d’action national budgétisé de planification familiale de la Guinée de 2019-2023.

Engagements des autorités guinéennes

Membre du ‘’Partenariat de Ouagadougou‘’, une organisation qui regroupe neuf pays francophones d’Afrique de l’ouest pour accélérer les progrès dans l’utilisation des services de planification familiale, la Guinée a pris de nombreux engagements ces dernières années en vue de repositionner la planification familiale dans le pays.

Afin de donner suite à ces engagements, les autorités guinéennes ont conçu un Plan d’Action National Budgétisé de Planification 2014-2018 et un second qui couvre 2019-2023.

Ce plan d’action de deuxième génération s’aligne sur le but et les objectifs du Plan National de Développement Economique et Social (2016-2020), qui intègre le Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2015-2024 et tient compte des acquis et des points à améliorer tirés du Plan d’Action National Budgétisé de Planification 2014- 2018.

Selon le Plan d’action National Budgétisé de Planification familial (PANB 2019- 2023 de la Guinée), il faudrait un taux de progression annuelle de 1,5% à partir de 2019 pour arriver à un Taux de prévalence contraceptive moderne (TPCM) de 18, 52%, en 2023, pour les femmes en âge de procréer. Pour se faire, le gouvernement avait défini cinq axes stratégiques pour son nouveau plan PF 2019-2029.

Il s’agit de : Création de la demande; Offre et accès aux services; Sécurisation des produits; Politique, Environnement, Habitat et Financement; Coordination et Suivi-Evaluation.

Le 10 novembre 2021, les autorités de la transition avaient pris cinq nouveaux engagements pour la période 2020-2030.

Selon  Dr Ciré Camara, chef de division planification familiale du ministère de la santé, il s’agit premièrement d’augmenter le taux de prévalence contraceptive moderne (TPCM) chez toutes les femmes de 12,6 en 2020 à 18,52% en 2023, conformément au Plan d’action National Budgétisé de Planification familial. Chez les adolescents (15-19 ans) de 8,3% en 2020 à 12,8% en 2023, et chez les jeunes (20-24 ans), de 15,2% en 2020 à 19,7% en 2023.

Le deuxième engagement est de rendre gratuits les services de planification familiale dans toutes les formations sanitaires publiques du pays, d’ici 2024.

Troisièmement,  augmenter le nombre de formations sanitaires disposant de la gamme complète de produits contraceptifs de 83% en 2021 à 90% en 2023.

Quatrièmement, assurer un accès continu aux services de PF pour les populations, y compris les adolescents et les jeunes, vivant dans une situation de crise humanitaire de 2021-2025.

Le cinquième et dernier engagement consiste à rehausser le financement domestique pour l’achat des contraceptifs de 50% à 70%, d’ici 2023, par le budget national de développement, en allouant annuellement 10% du même budget, explique-t-elle.

Au cours des 10 dernières années, la Guinée a doublé l’objectif spécifique, qui était de 188 000 femmes additionnelles utilisatrices des méthodes de contraception modernes, pour atteindre 419 000 femmes.

Cette ‘’performance’’ a permis d’éviter 130 000 grossesses non désirées chez les filles et chez les femmes, 47 000 avortements à risque et 550 décès de femmes, se félicite Dr Djénè Fadima Kaba, Directrice nationale de la santé familiale. « Cela montre l’importance de la planification familiale comme un levier sur lequel on peut agir pour infléchir la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Et au-delà, améliorer la qualité de vie des familles », assure-t-elle.

Pour la journaliste Aissatou Bah cela démontre que la Guinée est aujourd’hui résolue à accroître davantage le recours à la planification familiale. Mais les autorités de transition réussiront-t-ils à maintenir le cap ? Si rien n’est moins sûr, cette voie demeure un passage incontournable pour la maîtrise de la croissance démographique. Ceci, afin de diminuer le taux global de fécondité, de rééquilibrer la structure de la population en termes de répartition par âge, d’améliorer la santé maternelle et néonatale et de réduire la pauvreté monétaire et multidimensionnelle aussi bien sur la qualité de vie de la femme en particulier que celle de la population en général.

Par Alpha Abdoulaye Diallo

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