Alors que l’indignation se multiplie suite aux révélations de la chaîne américaine, CNN, qui prouve l’existence d’un marché aux esclaves subsahariens en Libye, Ousmane Camara, jeune guinéen, qui a passé six mois dans des geôles libyennes avant de gagner la France, raconte comment les migrants sont traités dans ce pays, devenu passage obligé pour plusieurs africains du sud du Sahara qui souhaitent se rendre en Europe. Il a livré son témoignage sur le parisien.fr.
En 2015, accompagné d'une poignée d'amis, ce Guinéen décide de quitter son pays pour rejoindre l'Europe. Son métier ? «Footballeur», lâche ce fan de Lilian Thuram, dont les posters tapissaient sa chambre en Guinée. Après un bref détour par le Mali, il reste travailler plusieurs mois en Algérie, puis décide de gagner la Libye, rampe de lancement des migrants vers l'Italie et porte d'entrée du Vieux Continent.[rsnippet id="1" name="pub google"]
Mais l'expédition est stoppée net en plein désert. «On passait la frontière entre l'Algérie et la Libye en 4 x 4 lorsqu'on s'est fait arrêter par des Arabes. Ils ont demandé à notre chauffeur de payer une certaine somme, mais il n'avait rien. Des hommes armés nous ont alors ordonné de descendre.»
Ousmane et une trentaine de migrants sont conduits plus au nord, jusqu'à une prison que le jeune homme situe à Sabratha, en Libye. Il y décrit un quotidien misérable sous la pression permanente des geôliers. « On doit être environ 700. On dort à même le sol, on mange mal. Dans la prison, il n'y a rien. Juste des cellules et une grande cour grillagée », dit-il en nous fixant de l'oeil gauche, le droit étant vitreux. Chaque jour, les matons exigent une rançon auprès de la famille du détenu. Son montant varie selon les prisonniers. La « clause » de départ d'Ousmane était fixée à 4 millions de francs guinéens, soit 400 EUR. « Lorsque tu as ta famille au téléphone, on te bat pour que tes proches entendent que tu as mal. Et si elle ne paie pas, on te scotche(NDLR : frappe) avec un bâton ou un tuyau », lâche sèchement Ousmane. Il ôte sa capuche et désigne une strie sur son crâne. « Ça, c'est la Libye », commente-t-il.
«On t'insulte, on te crie : Haya ! (NDLR : allez)», s'exclame Ousmane, qui devient nerveux en se remémorant la scène. Pour ce qui est du sort des femmes détenues, le réfugié livre un récit glaçant : «Les gardes montrent des vidéos porno aux femmes et leur demandent de reproduire ce qu'elles voient. Si elles ne le font pas, elles sont frappées.»[rsnippet id="1" name="pub google"]
Au pays, ses proches ne le croient pas
Après six mois de calvaire, la famille d'Ousmane verse la rançon depuis la Guinée. Libre, le jeune homme rappelle son passeur. Un mois d'attente plus tard, il parvient à rejoindre l'Italie en bateau. «J'ai eu l'impression d'entrer au paradis», confie Ousmane, l'oeil brillant. En quittant sa prison, il se souvient d'inscriptions sur les murs -- comme : «Ici, c'est la mort» -- probablement écrites par ses prédécesseurs. L'enfer est derrière lui. Ousmane remonte l'Italie en train puis traverse la frontière de Vintimille à pied. Après une escale à Lyon (Rhône), il arrive enfin à Paris, le point final d'un long périple. «Je ne veux plus bouger, j'ai vécu trop de souffrances.» Depuis, le Guinéen a tenté de dissuader ses proches restés au pays qui voudraient suivre la même route que lui. En vain. : «Ils pensent que je mens car je ne veux pas d'eux en Europe.» Ce qui désole Ousmane, qui ne souhaite à personne de vivre ce qu'il a vécu en Libye. Même à son «pire ennemi», affirme-t-il.[rsnippet id="1" name="pub google"]
Source : le parisien.fr