Le sommet européen de Malte, qui se tient à La Valette ce vendredi 3 février, sera en partie consacré aux questions migratoires. Les chefs d’État de l’Union européenne devront décider de la politique à suivre avec la Libye, devenue le principal point de départ des migrants.
2016 aura été une année noire en mer Méditerranée. Sur 181 000 personnes ayant tenté la traversée, au moins 4 500 seraient mortes noyées. L’accord passé le 18 mars 2016 entre la Turquie et l’Union européenne n’a pas enrayé l’hécatombe. Le flot de migrants s’est simplement déplacé des abords de la mer Egée aux côtes libyennes.
La question migratoire sera donc au cœur des discussions entre les dirigeants européens lors du sommet de Malte prévu vendredi 3 février.
La Commission européenne a déjà proposé, le 25 janvier, une série de mesures présentées comme « une contribution aux discussions (du sommet de Malte) relatives à la façon de mieux gérer la migration et de sauver des vies ». Parmi ces propositions : un soutien renforcé aux gardes-côtes libyens et une rallonge de l’aide financière − jusqu’à 200 millions d’euros −, alloués par les États membres au Gouvernement d’union nationale dirigé par Fayez al Sarraj.
Rééditer l’accord entre l’UE et la Turquie ?
Pour sa part, l’Italie, qui se situe à seulement 300 km des côtes libyennes et s’estime délaissée par ses partenaires européens dans la gestion de la crise des réfugiés, a annoncé le 1er février la création d’un « fonds Afrique » doté de 200 millions d’euros et destiné à enrayer l’immigration clandestine africaine. Ses principaux bénéficiaires seront la Libye, le Niger et la Tunisie, qui sont aujourd’hui figure de principaux points de départ des migrants.
D’autres dirigeants européens estiment cette politique insuffisante et prônent la signature d’un accord avec la Libye semblable à celui passé entre l’Union européenne et la Turquie. Cela signifierait pour l’UE renvoyer les migrants en Libye, laquelle les garderait sur son territoire en échange d’une compensation financière.
Le Premier ministre maltais, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne déclarait en tout cas il y a peu au Parlement de Strasbourg : « Si on ne réédite pas un compromis à la turque pour la Méditerranée centrale, nous assisterons au retour de la crise migratoire. »
Des conditions de vie similaires à ceux « d’un camp de concentration »
Des déclarations jugées inacceptables par certaines ONG, qui soulignent l’absence de l’état de droit en Libye (plusieurs entités politiques se disputent actuellement le pouvoir en Libye) et les nombreuses exactions qui y sont commises envers les migrants.
« Les dirigeants de l’UE ont beau aspirer à voir la Libye devenir un pays stable, sûr, gouverné par l’état de droit et capable de contrôler ses frontières de manière respectueuse des droits humains, pour l’instant, le droit d’asile y est non existant et la situation des migrants est un affront aux principes fondamentaux de l’humanité », juge dans un communiqué Judith Sunderland, une des responsables de l’ONG Human Rights Watch.
D’après un rapport publié en décembre 2016 par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, les cas de torture, exécutions, esclavage et viols seraient monnaie courante dans les centres de détention pour migrants tenus par le Département libyen de lutte contre l’immigration clandestine, la DCIM.
Sur une base quotidienne, il y a d’innombrables cas d’exécutions de migrants en Libye
Dans un mémo diplomatique, l’ambassadeur allemand au Niger compare pour sa part les conditions de vie des migrants et des réfugiés en Libye à celles « d’un camp de concentration ». « Sur une base quotidienne, il y a d’innombrables cas d’exécutions de migrants, de tortures, de viols, de corruption et de bannissements dans le désert », souligne ce mémo qui a fuité dans la presse il y a peu.
Sa publication a fait réagir la chancelière allemande Angela Merkel dans son podcast vidéo hebdomadaire, où elle déclare qu’il ne sera possible d’envisager le renvoi des migrants vers la Libye « que lorsque le gouvernement d’union y sera vraiment un gouvernement d’union, qu’il aura repris le contrôle de l’intégralité de son territoire et quand on pourra y parler de respect des droits de l’Homme. »
Jeune Afrique