Imbroglio de vol de bétail à Ninguélandé

Sur les rives sud-ouest du fleuve Kakrima, se trouve le petit village de Hériko, un secteur dépendant du district de Foyé, là-bas aux confins entre Ninguélandé et Ley-Miro, deux communes rurales de la préfecture de Pita. Ce village est devenu célèbre par sa boucherie et son boucher, Amadou Ouri. La boucherie ne manque jamais de viande. On peut s’y approvisionner au quotidien. Seulement, voilà que tout le monde s’interroge sur cette abondance de viande. Au point de vente, on ne voit ni têtes, ni sabots, ni peaux.

Personne n’ose s’aventurer au lieu d’abattage pas loin du village. Selon les villageois interrogés, le boucher menacerait de «tuer à coup de fusil ou de machette, tout curieux qui s’aventurerait vers son coin interdit». Ce coin est perdu dans la verdure derrière les concessions périphériques adossées à la montagne qui sépare Hériko et Pellal, le village voisin et parent. Le lieu serait tranquille et vivable si les odeurs de sang et de détritus de chair n’y perturbaient pas la fraîcheur de l’air.

Tous les villages environnants se plaignent de disparition  d’ovins, caprins et bovins. Fello-Bané, Pellal, Kessema, Loubeya, Gadha-Winké, Hafia, Teliwal du côté sud du fleuve Kakrima;  Saadii, Mâkaren, Teliboofi, Tema du côté nord se plaignent de pertes fréquentes de taureaux, de génisses et autres boucs et brebis de leur élevage. Fello-Bané, localité la plus affectée, aurait perdu 49 têtes de bœufs en un semestre de cette année 2020.

Yayé Sabana qui vient de mourir de morsure de serpent à la poursuite de ses animaux domestiques, y possédait un troupeau respectable de vaches. Elle habitait le hameau nourricier de Kiiritaa au flanc de Gnarga, une montagne qui porte encore les empreintes historiques du passage de celui qu’on appelait au Fouta, «Sop-poori», de son vrai nom René Caillé. Là, la courageuse tante avait réussi de se tirer de la pauvreté tout en vivant à la sueur de son front. Elle vivait d’un «halal» incontestable. On dit que ces deux dernières années, il lui arrivait de se retrouver nez-à-nez avec les voleurs sous pression d’approvisionnement de la boucherie célèbre de Hériko. Sans peur elle sauvegardait cahin-caha, son troupeau. Elle aurait laissé une dizaine de vaches en mourant ce mois de novembre.

Ses héritiers n’auraient retrouvé que quatre. Cinq autres auraient toutes disparu en une semaine. On soupçonne la boucherie de Hériko, même si aucune preuve ne pèse sur le boucher du village. Dans toutes les localités, on incrimine des voleurs non identifiés mais avec la certitude que la boucherie de Amadou Ouri y serait pour grand-chose. Toutes les plaintes s’expriment contre cette boucherie et pas encore contre le boucher. Par ailleurs aucune preuve n’est encore collée à un nom de complice. Que faire dans cet imbroglio? A Fello-Bané, c’est l’attitude de désespoir et même de démission. L’ultime  choix a été de rapprocher les animaux du village principal en organisant une transhumance massive. Ce qui éloigne les bêtes des prairies herbeuses et arbustives tout en les exposant aux risques des chutes dans les falaises et de nourriture insuffisante.

Des suggestions orientent les villageois vers l’administration décentralisée et déconcentrée. Préfets, maires et autres élus locaux pourraient être d’un secours immédiat. Les concernés pensent que le

boucher serait assuré d’un soutien presque sûr à ces niveaux. Il serait même en accointance serrée avec de grosses pointures de la sécurité. On raconte que  de présumés voleurs envoyés pour investigation à Pita seraient tout simplement relâchés sur intervention discrète du boucher de Heriko. Il aurait un accord d’indifférence avec maintes autorités, un peu du côté de Lelouma et Teliméle et beaucoup sinon trop du côté de Pita. Ce boucher a beaucoup de relations entretenues à coups de viande sèche et de devise sonnante. Sous-préfets, Maires et Préfets  feraient partie de la chaine de corruption.

Posez la question aux populations. Elles répondent redouter de telles complicités sans oser l’accusation ferme. On va jusqu’à incriminer les féticheurs et karamoko-batini des localités proches de Heriko d’avoir confectionné des gris-gris pour le boucher hyper-protégé de Heriko. C’est très curieux que des cheptels entiers disparaissent sans aucune réaction. Il reste qu’avec la survivance de la boucherie de Heriko, Fello-Bané et les villages voisins n’auront bientôt que des pâturages sans animaux domestiques.

Dans les bols à sauce des autorités locales, sur un rayon de 60 kilomètres, flotterait moins de  morceaux de viande. Ninguélandé, lieu de rassemblement des bovins et patrie historique des vaches continuera à porter son nom sans une seule corne sur son territoire. C’est cette perspective apocalyptique qui se dessine si Amadou Ouri et sa boucherie continuent à exister du côté de Heriko, dans les bas-fonds de Ninguélandé.

Source : le populaire

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