Grève : les enseignants ont intérêt à tenir bon (opinion)

Le gouvernement remet sur la table son argument massue, un vrai serpent de mer : si nous accédons à vos revendications, le programme va déraper, attendez d’abord le passage du FMI, pour qu’on puisse étaler sur le temps les échéances de paiement. C’est le même jeu depuis le règne du général Lansana Conté, jusqu’à la radicalisation du mouvement en janvier-février 2007. A l’époque, les populations n’en pouvaient plus et les syndicalistes ont été débordés par la puissante vague de révolte.

J’ai regardé la vidéo de l’interview d’Alpha Condé avec un de ses communicants, j’ai constaté qu’il est toujours dans sa bulle, complètement déconnecté des réalités. Il n’y a rien à faire pour sauver le soldat Alpha Condé, il est perdu.

Les enseignants ont intérêt à tenir bon en étant inflexibles. Ils ne doivent pas écouter cette chanson « qu’ils fassent des sacrifices pour que les enfants reprennent le chemin de l’école ». Si les élèves veulent reprendre les cours, qu’ils s’adressent directement à Alpha Condé qui tient le cordon de la bourse pour qu’il règle le problème de leurs enseignants. Leurs mères doivent faire comme eux, tous devant Alpha Condé qui détient la totalité de notre argent collecté sur l’ensemble du pays, ainsi que les dettes contractées en notre nom.

Pour satisfaire les conditionnalités du FMI (pour couvrir la mauvaise gestion de nos deniers publics), il a puisé directement l’argent dans les salaires des enseignants, soit 40% depuis novembre 2016. Quant à lui et son gouvernement, ainsi que ses hauts fonctionnaires, point de sacrifices, bien au contraire, ils continuent de se partager le Budget de l’Etat. En Guinée, on les appelle les fils et filles bénis du pays.

Mes chers enseignants, dites aux négociateurs d’Alpha Condé, que pour financer les nouvelles dépenses que représentent la spoliation des 40% de vos salaires et l’augmentation salariale que vous réclamez, il leur suffit de faire des économies sur des dépenses improductives dans ce même budget 2018. Le Ministre du Budget n’aura aucune difficulté à faire voter cette réaffectation de dépenses dans la prochaine loi de finance rectificative 2018 au parlement. Qu’ils ne s’inquiètent pas, que le FMI ne protestera pas contre la réduction drastique de leur train de vie au profit de l’amélioration des conditions de vie et de travail des fonctionnaires du secteur prioritaire de l’éducation.

Les députés votent les lois de finances présentées par le gouvernement au parlement comme des myopes. Je vous dis, c’est scandaleux.

Rappelez vous, dans une de mes tribunes de février 2016, titrée « Des moments difficiles, nous attendent », j’avais demandé au Premier ministre et au Ministre du Budget, de nous présenter un plan précis des économies à réaliser dans les dépenses de l’Etat, de prendre une hache pour tailler dans les dépenses, notamment improductives, de supprimer les dépenses d’investissements sur financements intérieurs BND, parce qu’elles sont en réalité des sources d’enrichissement des dirigeants et de leurs complices, les entreprises bénéficiaires des marchés publics de gré à gré. Par contre, de ne maintenir que les dépenses d’investissements publics sur financements extérieurs FINEX qui sont mieux contrôlées par les bailleurs de fonds. En toute réponse, ils ont préféré le matraquage fiscal des ménages et des entreprises et la spoliation des enseignants de 40% de leurs salaires. Ils ont achevé le malade avec ces remèdes, conséquences : faillites des PME, baisse de la consommation des ménages. La croissance tirée du secteur des mines, n’a aucun impact sur le niveau de vie des Guinéens et, en raison de la corruption au plus haut niveau, l’Etat ne récolte que des miettes, 268 millions de dollars de revenus en 2017. Malgré tout le boucan du gouvernement, les revenus tirés de la bauxite, de l’or et du diamant ne représentent que 268 millions de dollars, à comparer aux 513 millions de dollars que l’or a rapporté à l’Etat malien en 2016.

Montrez à Alpha Condé, les images de Thomas Sankara qui avait garé les luxueuses Mercedes de ses prédécesseurs pour rouler, lui et les membres de son gouvernement, dans des petites Renault 5. Les grosses 4*4 , leur entretien et le carburant, coûtent des milliards aux contribuables, mais pour quels résultats? Ils ont de puissants groupes électrogènes chez eux, voyagent en première classe, logent dans les hôtels les plus luxueux lors de leurs nombreuses missions inutiles à l’étranger. Voilà, ils sont cramponnés sur ces avantages et veulent que les enseignants en particulier, continuent à trimer, à vivre dans la misère.

Vous savez, les opposants de Jacob Zuma, dirigés par Julius Malema, criaient bruyamment à chacun de ses passages au parlement et dans les manifestations : « Zuma rend l’argent ». Il est inacceptable que ces individus se gavent de la sueur de notre travail pour qu’ils nous enfoncent dans la précarité.

On aurait compris le bien-fondé d’une politique de modération salariale pour des investissements d’avenir qui vont booster l’économie afin de créer des richesses qui permettront de réduire la pauvreté dans notre pays. Mais non, nos sacrifices servent à entretenir grassement la clique dirigeante corrompue, c’est donc vain.

Mes chers enseignants, que le FMI ferme son robinet, c’est leur affaire, de toutes les façons, ce sont des dettes que nous nous rembourserons pour qu’eux, ils continuent leur train de vie princier. Nous n’y avons aucun intérêt en termes de sécurité, de santé, d’éducation, de logement, d’emplois ou de retraites décentes. Le FMI, la Banque mondiale, les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, c’est leur gagne-pain, pas nous. Je m’arrête là, je sens la colère bouillir en moi. Ce qui est sûr, si les enseignants se laissent ensorceler par leurs langues mielleuses sous prétexte de sauver le programme avec le FMI ou ne pas faire les investisseurs en attente depuis 2011, ils n’auront plus où se plaindre. C’est maintenant ou jamais. D’ailleurs, dites à vos élèves de réclamer vos 40% et votre augmentation salariale. Des salaires variant de 8 à 5 millions de francs selon les échelons et l’ancienneté sont tout à fait raisonnables pour ce secteur stratégique pour le développement économique et social de notre pays. C’est possible si le gouvernement s’attelle à la tâche.

Par Alpha Saliou Wann

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