L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo est attendu jeudi 17 juin dans son pays qu’il avait été contraint de quitter il y a dix ans, un retour permis par son acquittement de crimes contre l’humanité par la justice internationale et par le feu vert de son rival le président Alassane Ouattara, au nom de la «réconciliation nationale».
Laurent Gbagbo, 76 ans, rentre par un vol régulier venant de Bruxelles où il vit depuis son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) en janvier 2019, confirmé en appel le 31 mars. L’atterrissage est prévu à 15 heures 45 (locales et GMT) à Abidjan. Il sera accueilli au pavillon présidentiel de l’aéroport, mis à sa disposition par le chef de l’État, par des dirigeants de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI). Plusieurs dizaines de notables devraient être présents.
Après son arrivée, l’ex-président se rendra dans le quartier d’Attoban, où se trouve son ancien QG de campagne pour l’élection présidentielle de 2010, selon un communiqué du FPI qui invite «les membres de la direction du parti» à s’y rendre pour l’accueillir. Entre l’aéroport situé dans le sud d’Abidjan et Attoban dans le nord, son cortège traversera plusieurs quartiers où la foule devrait pouvoir se masser pour l’acclamer. «Il n’y a pas eu de consignes de restriction» des rassemblements de la part du gouvernement, a dit à l’AFP Justin Katinan Koné, porte-parole de Laurent Gbagbo.
Le porte-parole du gouvernement Amadou Coulibaly a confirmé mercredi que «s’il y avait une quelconque interdiction, elle serait rendue publique». Il a ajouté que Laurent Gbagbo aurait «droit à tout ce à quoi il a droit», laissant entendre cependant qu’aucun ministre ne serait présent à l’aéroport. «L’exécutif jouera son rôle», a-t-il assuré. L’ampleur de l’accueil de l’ex-président a été au cœur des récentes négociations entre le pouvoir et le FPI: le premier souhaitant qu’il soit sans «triomphalisme», le second qu’il soit populaire en permettant au plus grand nombre de ses partisans d’être présents dans les rues d’Abidjan. L’enjeu est la sécurité de Laurent Gbagbo lui-même mais aussi d’éviter tout débordement et des violences dont les deux camps ne veulent pas.
Des chants et des louanges
Des habitants ont commencé à manifester leur joie avant son arrivée. «Demain, il n’y aura plus que des chants, des louanges», affirme un habitant du quartier populaire de Yopougon, considéré comme pro-Gbagbo. À l’opposé, ses adversaires estiment toujours qu’il a précipité son pays dans le chaos en refusant sa défaite face à Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010. Ce refus a provoqué une grave crise post-électorale, pendant laquelle quelque 3.000 personnes ont été tuées. Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, avait été arrêté en avril 2011 à Abidjan puis transféré à la CPI à La Haye.
Des associations de victimes de cette crise dénoncent «l’impunité» et ont prévu de manifester jeudi à Abidjan. Ses proches assurent qu’il rentre sans esprit de vengeance mais pour œuvrer à la politique de «réconciliation nationale». La Côte d’Ivoire, encore meurtrie par deux décennies de violences politico-ethniques, «doit se retrouver», estime Assoa Adou, secrétaire général du FPI. «Elle est aujourd’hui en danger de déstabilisation par des djihadistes», a-t-il ajouté, après des attaques contre l’armée qui ont récemment tué quatre militaires dans le Nord, à la frontière avec le Burkina Faso.
Un avis partagé par l’écrivain et journaliste pro Ouattara Venance Konan, qui a écrit cette semaine dans un éditorial du quotidien pro gouvernemental Fraternité Matin que, «avant toute chose, nous devons faire l’union sacrée» et unir «nos efforts pour faire face aux terroristes». Laurent Gbagbo reste sous le coup d’une condamnation en Côte d’Ivoire à vingt ans de prison pour le «braquage» de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pendant la crise de 2010-2011. En annonçant début avril qu’il était libre de rentrer en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara n’avait pas mentionné cette condamnation mais le gouvernement a laissé entendre qu’elle serait levée.
AFP