Ce dimanche 28 mai, cela fait 100 jours qu’Adama Barrow est entré en fonction en Gambie. Le 18 février dernier, il prêtait serment dans son pays après une première cérémonie lors de son exil à Dakar. Il avait alors lancé : « La Gambie a aujourd’hui changé pour toujours. » Lors des élections parlementaires, les Gambiens l’ont préféré, lui et sa coalition, au parti du dictateur Yahya Jammeh. Malgré tout, après un peu plus de trois mois au pouvoir, tout reste encore à prouver.
Premier faux pas du nouveau président : officiellement, il n’y a pour l’instant toujours pas de vice-président. Adama Barrow souhaite nommer Fatoumata Tambajang, mais elle dépasse la limite d’âge de 65 ans. Donc, sauf révision de la Constitution, elle exercera cette position de façon officieuse.
Et les supporters de l’APRC, le parti de l’ancien président, n’hésitent pas à pointer ce premier couac. Pour Pa Ebou Sanneh, un fidèle du parti, c’est la preuve que le pays ne peut pas continuer sans Yahya Jammeh. « Cela va faire quatre mois, et on n’a toujours pas de vice-président. Quant à l’électricité, soyons honnêtes, est-ce que c’était comme ça au cours de ces 22 dernières années ? Et ce n’est que le début ! », critique-t-il.
A l’Assemblée, aucune réforme législative promise n’a encore été présentée. Les premières réformes sont attendues, d’après le gouvernement, d’ici la fin du mois d’août.
Mais petite avancée du côté judiciaire : le pays a réintégré la Cour pénale internationale. Le président a par ailleurs obtenu la libération d’opposants politiques et le gel des biens de Yahya Jammeh dans le pays. Reste à savoir si le système judiciaire sera capable de juger les proches du dictateur, alors que le procès d’anciens agents des services secrets traîne en longueur depuis des mois.
Quant à la situation économique, elle est des plus délicates : les caisses de l’Etat sont vides. Alors, jusqu’à maintenant, Adama Barrow parie sur l’ouverture à l’international, récoltant des promesses d’aides et des visites d’investisseurs étrangers.
Mais le plus gros problème, selon Ismaila Ceesay, enseignant en sciences politiques à l’université de Gambie, c’est le manque de vision du gouvernement d’Adama Barrow. « On n’espère pas en 100 jours que le gouvernement règle les difficultés économiques, on n’espère pas non plus qu’il trouve
une solution à la crise du chômage, ce qu’on attend, c’est qu’ils exposent leur projet pour le pays. Mais en échouant, cela signifie qu’ils se savent pas dans quelle direction ils vont », pointe-t-il.
Finalement, le plus gros changement, c’est cette liberté d’expression retrouvée. Pour le ministre de l’Information, Demba Jawo, les détracteurs oublient un peu vite l’un des plus gros progrès réalisés depuis le départ de Yahya Jammeh. « C’est difficile de mettre le doigt sur quelque chose de tangible qui a vraiment changé. Mais si on va dans la rue, les gens peuvent parler librement, ils n’ont plus peur que quelqu’un vienne frapper chez eux, la nuit, pour les arrêter, c’est au moins une preuve qu’il y a déjà des avancées », avance-t-il.
Une liberté que les Gambiens n’hésitent pas à utiliser pour commencer à critiquer leur nouveau gouvernement à leurs yeux un peu trop lent.
On a changé de leader, ce qu’on espérait tous, et maintenant on a un nouveau président. Donnons-lui du temps et petit à petit on va y arriver. Moi j’attends que la fourniture en électricité s’améliore parce que, sans électricité, pas de développement. Donc je veux les voir travailler sur ce sujet et aussi sur la commission Vérité et réconciliation. On veut que ce soit mis en place pour que l’on puisse pardonner et passer à autre chose.
RFI