En mission à Abidjan depuis 6 ans, le P. Frédéric Baldé est responsable de la maison Saint-Joseph où résident les séminaristes africains de la communauté de l’Emmanuel dont il est membre.
Ce professeur de spiritualité et de théologie sacramentaire dans les grands séminaires de Côte d’Ivoire a un parcours atypique qu’Urbi & Orbi Africa propose de découvrir.
Dans son enfance, Frédéric Marc Baldé, fils d’imam, connaît par cœur le Coran. Mais une question subsiste pour lui : « L’islam annonce un Dieu tout-Puissant qu’on est appelé à adorer de tout son être. Mais en même temps, il n’y a pas de communion possible avec ce Dieu même après la mort. Ce Dieu que je veux adorer et servir, je ne le verrai jamais ».
En sixième, à l’âge de 12 ans, le jeune Frédéric partage son banc avec une fille catholique qui lui dit un jour : « Dieu nous aime tellement qu’il nous a donné son fils pour nous sauver ». « Je lui ai répondu : « tu es folle, Dieu n’a pas de fils ». Mais la phrase de sa jeune camarade de classe suscite la curiosité de Frédéric. Il commence alors à fréquenter l’église en cachette à Conakry, dans sa Guinée natale.
Tensions autour d’une conversion
C’est à 16 ans que le jeune Guinéen choisit de devenir catholique contre l’avis de ses parents. Son père, imam, professeur de mathématiques et de physique à l’esprit ouvert, a éduqué ses enfants dans la liberté et l’ouverture d’esprit. Pourtant, il n’accepte pas la décision de son fils de devenir chrétien.
Les tensions sont vives entre les deux hommes. Aujourd’hui, le P. Frédéric reconnaît : « Avoir tenu ferme dans ma décision de devenir catholique et d’en assumer les conséquences, je le dois à mes parents qui m’ont inculqué de fortes valeurs. »
À ses débuts dans la religion catholique, on demande souvent à Frédéric s’il veut devenir prêtre : « J’ai commencé à me poser la question, j’ai même fait une retraite pour avoir une réponse. » Mais le moment n’était assurément pas encore venu.
Arrive le moment où, pour le jeune Baldé, assumer son choix de vivre sa foi, c’est aussi quitter son pays d’origine, quitter ses parents. « Il a fallu presque 20 ans avant que mes relations avec mon père ne s’apaisent mais maintenant, je le revois régulièrement. »
La communauté de l’Emmanuel
À 18 ans, Frédéric se rend à Paris, loin des tensions suscitées par sa conversion au christianisme. Il obtient son doctorat en pharmacie quelques années plus tard. C’est après sa rencontre avec la communauté de l’Emmanuel que la question de la vocation sacerdotale se pose de nouveau. Frédéric ressent le besoin de soutien concret pour aller plus loin dans sa foi. Maintenant, se donner ne suffit plus, il faut aussi un lieu de ressourcement, vivre sa vocation mais en même temps être porté.
Le P. Frédéric qui a été ordonné prêtre pour le diocèse de Paris, est en mission à Abidjan depuis 2011. Le discernement des vocations en Afrique de l’Ouest lui est confié. Il est aussi responsable de la maison de formation des séminaristes africains de l’Emmanuel.
Les communautés nouvelles
Avec ses 21 années d’expérience sacerdotale, ce spécialiste en théologie dogmatique membre d’une communauté issue du Renouveau charismatique observe les pratiques des communautés nouvelles : « Dieu a souffert pour nous sauver mais souvent dans les évangélisations des communautés nouvelles, la souffrance n’a pas sa place. C’est comme si quand tu es croyant, l’épreuve ne doit pas faire partie de ta vie », se désole-t-il.
Un autre élément que note le P. Frédéric : à en croire ces communautés, la souffrance est toujours causée par quelqu’un d’autre. « On risque alors de susciter la haine, la division. Quand quelqu’un se met à accuser, il ne parle pas au nom de Dieu. »
Dans un monde marqué par les violences religieuses, le P. Baldé met aujourd’hui sa connaissance de l’islam et sa vie chrétienne au service de tous. « Ce qu’on connaît fait moins peur, du coup je travaille à faire connaître l’islam aux catholiques. »