Entre 1980 à 2012, les volumes de capitaux qui ont quitté l’Afrique ont été plus importants que ceux qu’elle a reçus, apprend-on d’un rapport publié le 5 décembre 2016 par le Global Financial Integrity. Au total, ce sont 1712,5 milliards $ que le continent a perdus, soit en moyenne 78 milliards $ par an.
A l’origine de cette situation, le rapport pointe tout d’abord les sociétés multinationales avec leurs méthodes d’optimisation et d’évasion fiscales. L’empreinte la plus forte se situe dans le domaine des industries extractives (mines et hydrocarbures) où de grands groupes tirent avantage des économies d’échelle, mais réalisent surtout des montages comptables et fiscaux qui réduisent fortement la base imposable ou la quote-part des pays hôtes.
L’autre responsable de cette hémorragie est l’ensemble des paradis fiscaux. Ces juridictions qui gèrent souvent des actifs plus importants que leurs produits intérieurs bruts, sont des refuges tant pour des placements licites, en quête d’investissements rentables et peu taxés, que pour des placements illicites liés à des trafics illégaux ou des dissimulations des rentes. L’exemple du Nigéria, un des pays souvent classé dans le top des plus corrompus dans le monde et dont certains responsables ont été cités dans le scandale des Panama Papers, illustre cette corrélation avec les paradis fiscaux. Entre 2007 et 2011, la Banque centrale a transféré notamment dans les Iles Caïman, Singapore, la Suisse et 7 autres juridictions à fiscalités souples près de 4 milliards $. Les transferts des individus et des entreprises ont été deux fois et demi plus importants (9,7 milliards $).
La troisième cause de la sortie nette des fonds hors d’Afrique est la faiblesse des institutions et des administrations dans ces pays. Cette faiblesse les place en infériorité dans les négociations avec des multinationales beaucoup plus puissantes, qui peuvent payer cher des cabinets spécialisés capables de trouver des failles dans la législation, ou d’influer fortement dans les négociations pour obtenir des contrats avantageux.
Le problème est aujourd’hui connu et fait l’objet d’attention de plusieurs instances, notamment l’OCDE, du G20 et des instances onusienne. Mais le Global Financial Integrity estime qu’il faudrait aller au-delà et discuter du problème dans un cadre de concertation plus large. Un grief qui avait déjà été soulevé par le Financial Transparency Coalition, qui relevait que les mesures de collaborations fiscales de l’OCDE n’avaient pas été adoptées avec la participation effective des pays notamment en développement, dont ceux d’Afrique.
L’étude qui a mobilisé plusieurs centres de recherches économiques en Afrique (Nigéria), en Europe (Norvège) et en Amérique Latine (Brésil) a adopté une méthodologie particulière pour arriver à ces résultats. Elle place sur les deux côtés d’une équation, l’ensemble des transferts en provenance et ceux en partance de l’Afrique, y compris ceux qui ne font pas l’objet de transferts monétaires (remise de dette), les transferts des migrants et ceux en provenance d’autres paradis fiscaux, ou de sources non enregistrés dans les comptabilités publiques.
Source : Agence Ecofin