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Guinée : mettre fin aux pratiques anti-démocratiques (opinion)

Je viens d’apprendre par la presse que les partis de la mouvance et de l’opposition ont trouvé un compromis sur la CENI et sur l’organisation des élections communales, par contre ils ont rejeté les élections des conseils de quartiers et de districts. A la place des élections, ils vont nommer les conseillers des quartiers et districts au prorata des résultats des élections communales.
Nous rejetons catégoriquement tout arrangement politique qui viole  notre Constitution et nos lois. C’est inadmissible que l’opposition, de concert avec Alpha Condé,  viole à son tour les dispositions de la Constitution sous le prétexte fallacieux de sortir d’une crise politique voulue et entretenue par le pouvoir. Nous ne pouvons pas protester contre les dérives, les violations répétées de la Constitution par Alpha Condé et le suivre nous – mêmes sur cette voie. Le faire, c’est perdre toute crédibilité aux yeux des Guinéens. Notre Constitution dispose en son article 2, alinéas 1 et 2 : La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par voie de référendum.
Aucune fraction du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. Les partis politiques qui ont participé à ce dialogue pensent ils que leurs décisions sont au – dessus de la Constitution ? Ils ont pris la fâcheuse habitude de violer allègrement la Constitution pour préserver leurs intérêts partisans. Ils l’ont fait dans les accords du 3 juillet 2013 notamment en privant illégalement les Guinéens de la diaspora de leur droit de se recenser au même titre que ceux de l’intérieur pour les élections législatives, puis ils ont récidivé dans les accords du 20 août 2015 en installant illégalement des délégations spéciales communales car cette opération n’est fondée sur aucune loi de la République. C’est le même forfait qu’ils veulent répéter en nommant les membres des conseils de quartiers et de districts qui sont des sections des collectivités locales dont les modalités d’élection sont prévues dans la loi organique portant Code électoral de notre pays. Les dirigeants des partis politiques impliqués dans ce dialogue doivent obligatoirement respecter l’article 3 alinéa 3 de la Constitution qui dispose : Les partis politiques doivent également respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, l’intégrité du territoire et l’ordre public. Cela veut dire par conséquent, ils n’ont pas le droit de nommer des représentants du peuple qui doivent être élus selon les lois en vigueur, ils n’ont pas le droit de violer notre souveraineté nationale représentée par la Loi suprême de notre pays.

Il s’agit d’un sujet extrêmement important pour notre présent et notre avenir, car il n’y a pas de démocratie sans démocrates. Chaque acteur politique doit s’engager personnellement à respecter les principes de la démocratie et de l’Etat de droit. Nous ne devons pas croire à tort que l’enjeu est de faire quitter le pouvoir un dictateur en menant ce combat avec des acteurs qui ne partagent pas eux – mêmes les valeurs de la démocratie. Alpha Condé illustre bien cet exemple de celui qui était considéré par les vrais combattants de la démocratie comme étant un des leurs, d’ailleurs, il était de ceux qui étaient les plus virulents contre le pouvoir du général Lansana Conté considéré comme un dictateur. Nous voyons tous maintenant qu’il n’est pas un démocrate, mais plutôt un autocrate dont l’avènement au pouvoir est un recul démocratique. C’est pourquoi nous ne devons pas être complaisants pour quelques raisons que soient avec les prétendants actuels au pouvoir qui déjà nous montrent le peu de cas qu’ils font de notre Constitution et de nos lois. Leur coup de force ne doit pas passer cette fois-ci. Ces acteurs politiques organisent spécialement un dialogue pour discuter de la mise en place de la Haute Cour de Justice prévue par l’article 117 de la Constitution et le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation va jusqu’à préciser que la décision issue de leurs débuts ne peut être qu’une sollicitude en direction du pouvoir. Que dire de plus, nous avons laissé le loisir à Alpha Condé de n’installer les institutions républicaines que quatre ans après son investiture pour certaines,  il se voit en Louis 14 qui fait tout selon son bon plaisir.

Depuis 1958, les dirigeants guinéens ignorent royalement nos textes constitutionnels, ils se sont donnés le pouvoir de vie ou de mort sur nous. Pour preuve, ils massacrent certains et maintiennent les survivants dans la servitude. Et on nous parle d’indépendance comme s’il suffit de quitter l’oppression coloniale française pour retomber dans la barbarie de nos propres frères Guinéens pour prétendre être indépendant. Ils ont décimé nos élites politiques, militaires et économiques de 1960 à 1985, tous sont ensevelis dans des fosses communes sans sépultures, ironie de l’histoire avec certains de leurs bourreaux. Ce que les français n’ont pas fait avec Almami Samori Touré , Alfa Yaya Diallo et Dînah Salifou Camara, qui ont eu droit quant à eux à des sépultures dignes de musulmans qu’ils étaient . De 1990 à nos  jours, c’est au tour des jeunes Guinéens qui se sont soulevés pour la démocratie et l’Etat de droit d’être massacrer avec comme summum de la violence aveugle , les massacres du 22 janvier 2007 et surtout du 28 septembre 2009 où en plus des tués , une centaine de femmes ont été sauvagement violées par une horde maléfique de militaires, gendarmes et policiers qui font la honte de notre pays, mais qui sont aujourd’hui sous la protection d’Alpha Condé. C’est inacceptable qu’il méprise autant les Guinéens et particulièrement les jeunes martyrs en maintenant en fonction des officiers militaires inculpés pour crimes contre l’humanité  par la justice guinéenne. Il faut rappeler que les enquêteurs de l’ONU avaient déjà dressé une liste des auteurs de ces crimes contre l’humanité. C’est Alpha Condé qui fait obstruction à justice qui est sous sa coupe. Il faut que la communauté internationale en tire les conséquences en retirant le dossier des crimes contre l’humanité du 28 septembre 2009  à la Guinée pour le confier à la CPI afin que justice soit faite.

Cela fait 58 ans de violences inouïes durant lesquelles nous avons perdu notre âme en tant que peuple et toute humanité qui fonde la vie en société. De quoi sommes-nous fiers? Le général Charles de Gaulle au moins en homme d’honneur a tenu parole en n’opposant aucun obstacle à notre indépendance après notre vote du NON. Face à lui, nous avions invoqué notre Dignité dans la Liberté, mais honnêtement les dirigeants guinéens ont-ils tenu parole? Est-ce qu’ils ont traité dignement leurs compatriotes? Est-ce que les Guinéens ont jouit de la Liberté promise? Est-ce que les Guinéens ont bénéficié de la protection de leurs différentes Constitutions? Pourtant dans la Constitution du 10 novembre 1958, notre Etat apportait son adhésion totale à la charte des Nations Unies et à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme qui est reprise dans les constitutions de 1990 et 2010. Voilà les sombres conséquences pour les citoyens du non respect des lois par leurs dirigeants. Accepter aujourd’hui, que des politiques se donnent le droit de passer outre les dispositions de notre Constitution et de nos lois, c’est permettre la perpétuation de la dictature qui s’est solidement enracinée dans notre pays depuis 1958. Si cet accord est maintenu en l’état , nous le dénoncerons devant la Cour Constitutionnelle, notamment tout accord sur la nomination des conseillers membres des conseils de quartiers et de districts pour violation de la Constitution et de la loi organique portant Code électoral en ses articles 98 et 100. Les Guinéens et particulièrement les jeunes doivent se mobiliser indépendamment de leur appartenance politique pour défendre notre Constitution. Il n’y aura aucun espoir pour nous de sortir de la pauvreté tant que les dirigeants du pays continueront de violer la Constitution,  les lois et règlements de notre pays. Comme la société civile est devenue inaudible, voire invisible, il est du devoir de la jeunesse guinéenne de s’organiser comme celles de certains pays africains engagées dans les luttes citoyennes pour mettre fin à toutes les pratiques anti-démocratiques dans notre pays. Les avocats doivent se mettre bénévolement au service des citoyens pour saisir dorénavant la Cour Constitutionnelle contre tout acte administratif ou politique qui viole la Constitution. Nous devons aussi saisir la Cour de Justice de la CEDEAO dont les juges ont déjà fait preuve d’indépendance dans des affaires contre certains Etats membres.

Je lance un appel aux dirigeants de l’opposition qui se sont embarqués dans cette opération anti-démocratique, de se ressaisir et de n’accepter aucune compromission, ni violation des lois de la République. Nul besoin de discuter sur des questions déjà réglées par nos lois en vigueur. Ils doivent savoir que nous ne nous satisfont pas de ce fichier électoral corrompu qui ne reflète plus le corps électoral dans son intégrité. Notre consiste donc à reprendre un nouveau  recensement  électoral fiable et transparent et faire respecter scrupuleusement la loi sur la CENI dont les commentaires actuels se sont disqualifiés pour conduire une institution rénovée. Nous sommes à la croisée des chemins,  nous devons faire des choix judicieux pour ne pas encore rater le tournant d’une Afrique qui se prépare à l’émergence économique. Alpha Condé nous a conduit dans l’impasse en déséquilibrant l’ordre institutionnel dans notre pays, nous devons y mettre fin pour engager un nouveau départ au plus tard en 2020. Lorsque les acteurs manquent de convictions fortes, la démocratie ne pourra pas sortir vainqueur. Il faut donc que les forces du changement se mobilisent pour imposer l’ordre démocratique dans notre pays.

Alpha Saliou Wann

 

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