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Même guéris, les ex-malades d’Ebola souffrent encore

Réalisées dans les pays les plus touchés par l’épidémie de fièvre hémorragique (Guinée, Liberia, Sierra Leone), plusieurs études alertent sur les séquelles dont souffrent les survivants.

Plus de 28 600 personnes ont été infectées par Ebola, quasi exclusivement dans trois pays : Liberia, Sierra Leone, et Guinée. Et environ 11 300 en sont mortes. Les survivants ? Ils souffrent de stigmatisation, mais aussi de déficiences hépatiques, oculaires, de dépression, etc. Ils souffrent de ce que les spécialistes appellent désormais les syndromes post-Ebola. Plusieurs enquêtes permettent d’en savoir un peu plus. Les résultats préliminaires d’une étude réalisée au Liberia par des chercheurs de l’Institut des troubles neurologiques (Ninds) de Bethesda (Maryland) et dévoilée jeudi assurent ainsi que les survivants d’Ebola continuent d’être victimes de problèmes neurologiques plus de six mois après avoir été infectés.

Pour parvenir à cette évaluation, l’équipe de neurologues s’est penchée sur l’évolution de 87 patients, d’une moyenne d’âge de 35 ans, frappés par l’épidémie à fièvre hémorragique. «Nous voulions nous pencher sur les conséquences à long terme sur la santé mentale des quelque 17 000 survivants», rappelle Lauren Bowen, l’une des auteurs de l’enquête. A l’arrivée, «la plupart des survivants souffrent d’anomalies neurologiques», dévoile l’étude. Asthénie, céphalées, pertes de mémoire, douleurs musculaires, mouvements oculaires anormaux, tremblements, troubles dépressifs, examen réflexe anormal… Ce sont les symptômes observés six mois après la primo-infection, estime cette enquête intitulée Prevail III, et menée par les autorités de santé libériennes avec le Département américain de la santé. Les résultats définitifs devraient être présentés lors du 68e sommet de l’American Academy for Neurology, du 15 au 21 avril, à Vancouver (Canada).

«Enorme tragédie»

Alors que Pauline Cafferkey, une infirmière écossaise testée positive en décembre 2014 avant d’être déclarée guérie, vient d’être hospitalisée pour la troisième fois le 23 février, cette étude n’est pas la première à se porter sur les séquelles post-guérisons. Une autre enquête a été présentée cette semaine à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) qui se tenait du 22 au 25 février à Boston (Etats-Unis). Une conférence au cours de laquelle Nancy Sullivan, de l’Institut américain des allergies et maladies infectieuses, assure qu’elle a permis «de trouver des raisons d’espérer dans cette énorme tragédie», comme le traitement ZMapp, qui augmente les chances de survie. 22% des participants ayant reçu le traitement seraient morts, contre 37% des participants ayant bénéficié de traitements standards.

Une troisième étude pilotée par des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement basé à Montpellier ont montré que la moitié des survivants du virus Ebola souffraient de séquelles, des mois après leur guérison. Mais aussi de maux de tête, de fatigue, de fièvre et d’anorexie, révèle une quatrième étude française présentée cette semaine à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes qui se déroule à Boston (Etats-Unis). Ces travaux, réalisés auprès de 375 survivants à Conakry et Macenta, en Guinée, mettent également en évidence des troubles ophtalmologiques comme des conjonctivites, des inflammations de l’iris ou une perte de vision, ainsi que des infections virales et des anémies. Des troubles psychologiques et psychiatriques se manifesteraient également.

«Nombre croissant de complications»

Une autre étude, publiée le 22 décembre dans la revue médicale The Lancet Infectious Diseases(revue qui consacre un site dédié à Ebola), s’était penchée sur des survivants de la clinique de Port Loko, en Sierra Leone. Au total, 277 survivants (dont 57% de femmes) avaient été examinés entre le 7 mars et le 24 avril, quatre mois en moyenne après leur guérison. Résultat : 76% d’entre eux souffraient d’arthrite, 60% de problèmes de vue, 18% d’une inflammation à l’œil (menaçant potentiellement la vue) et 24% de troubles de l’audition comme des acouphènes.

«Ces chiffres sont plus élevés que ce à quoi nous nous attendions», assurait l’un des auteurs de l’étude, Sharmistha Mishra, de l’université de Toronto. Si le virus Ebola disparaît rapidement de la plupart des fluides corporels après la guérison, il peut subsister des «sites sanctuaires» dans les yeux ou les testicules, avancent ces chercheurs, dont le Dr John Mattia, l’un des rares ophtalmologistes de Sierra Leone. Le 14 octobre, l’OMS avait de son côté publié les résultats préliminaires d’une étude, paru dans le New England Journal of Medicine, montrant que le virus pourrait persister au moins neuf mois dans le sperme de certains survivants, plus longtemps que ne le pensaient les virologues.

Combien de temps peuvent durer les séquelles ? Comment s’en débarrasser ? Les chercheurs de l’OMS se gardent de le dire. D’autres évoquent une étude menée en Ouganda deux ans et demi après l’épidémie de 2007, qui faisait état de symptômes persistants pendant plus de deux ans. «Les survivants à la maladie sont confrontés à un nombre croissant de complications reconnues», a reconnu fin décembre Tom Frieden, le directeur des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, basés à Atlanta, en Géorgie.

Par Libération

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