L’orpailleur sierra-léonais Dauda Kamanda n’a jamais été riche mais jusqu’à l’épidémie d’Ebola, il pouvait vivre de la vente de ses pépites à des marchands qui les exportaient à travers l’Afrique et le Moyen-Orient.
Puis, un par un, ses clients libanais et sénégalais de la province de Koinadugu, dans le nord de la Sierra Leone, ont fui la propagation du virus en 2014 et ses revenus mensuels de 500 dollars (460 euros) – de quoi subvenir aux besoins de sa famille de quatre enfants – se sont évaporés.
« Après le départ des acheteurs, j’ai dû trouver un emploi de transporteur de bagages dans une gare routière pour les gens allant dans la capitale » Freetown, raconte-t-il.
A la veille de l’annonce officielle, attendue vendredi, de la fin de la pire épidémie de l’histoire d’Ebola (plus de 11.300 morts), les trois pays d’Afrique de l’Ouest les plus touchés mesurent l’étendue des dégâts subis par leur économie.
La Banque mondiale évalue le montant des pertes en produit intérieur brut (PIB) pour ces trois pays à 2,2 milliards de dollars (1,4 milliard pour la Sierra Leone, 535 millions en Guinée et 240 millions au Liberia).
Ils ont reçu en 2015 des promesses d’aide de plus de 5 milliards de dollars, qui ne seront pas de trop pour redresser des économies sinistrées, en particulier en Sierra Leone, frappée par une récession de plus de 20 % de son PIB.
« Les secteurs qui tirent habituellement la croissance – agriculture, mines, etc – ont été gravement perturbés », a déclaré à l’AFP le ministre sierra-léonais de l’Economie et des Finances Kaifala Marah.
L’impact économique a été aggravé par une forte baisse des prix mondiaux du minerai de fer, premier article d’exportation du pays, et l’effondrement du secteur minier, les investisseurs étrangers ayant fui la Sierra Leone.
La fermeture de deux mines, exploitées respectivement par African Minerals et London Mining, s’est soldée par la perte de 7.500 emplois.
Le nombre d’emplois est néanmoins revenu à son niveau antérieur à la crise, mais avec des durées et des salaires inférieurs, selon un rapport de la Banque mondiale publié en juin.
– ‘Repartir à zéro’ –
En Guinée voisine, où l’impact s’est également fait sentir sur les investissements miniers, l’arrêt de nombreuses liaisons terrestres et aériennes a également asphyxié le commerce, souvent dominé par le secteur informel.
Avant la crise Ebola, « j’étais souvent à Dubai et à Bangkok pour acheter des chaînes en or, ma boutique était toujours bien achalandée, j’avais beaucoup de clients, notamment parmi les détaillants », indique une négociante, Fatou Baldé.
L’import-export de produits de base, tels que le riz, le lait, la farine et le sucre, a lui aussi souffert.
« En temps normal je fais entre 35.000 et 40.000 tonnes par mois », estime Elhadj Diallo, qui importe essentiellement du riz. « Mais pendant cette période d’Ebola j’importais seulement entre 10.000 et 15.000 tonnes parce que les fournisseurs avaient souvent peur d’envoyer leurs bateaux à Conakry », explique-t-il, confiant avoir dû faire convoyer ses marchandises via « le Sénégal ou la Gambie pour ne pas décourager les fournisseurs puisque la Guinée était devenue un problème ».
De l’autre côté de la frontière, au Liberia, Amadou Diallo, qui importe des marchandises de Guinée, affirme avoir dû « repartir de zéro » à cause d’Ebola. « C’était vraiment l’enfer. Nous ne pouvions plus sortir du pays pour nous approvisionner et devions survivre avec l’argent que nous avions ».
Dans le pays, 12% des entreprises suivies par l’International Growth Centre (IGC), basé à Londres lors du pic de l’épidémie, à l’été 2014, ont fait faillite.
Mais population et gouvernants des trois pays affichent leur optimisme quant à leurs capacités de rebond après le choc de l’épidémie, à l’image de la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf.
« Nous pouvons et nous devons revenir aux progrès qui prévalaient avant le traumatisme d’Ebola », a-t-elle déclaré en juillet lors d’une réunion aux Nations unies avec ses homologues guinéen Alpha Condé et sierra-léonais Ernest Bai Koroma.
Une confiance confortée selon Dianna Games, du cabinet-conseil sud-africain Africa At Work, par les perspectives de croissance encourageantes de l’Afrique de l’Ouest, estimées à 7 % en 2016, alors que « les trois pays les plus touchés représentent moins de 3 % du PIB » de la région ».