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Pourquoi l’Europe doit vraiment aider le peuple guinéen, face à Alpha Condé

François Hollande a effectué une tournée historique en Afrique début juillet, en visitant le Bénin, l’Angola et le Cameroun. Parmi ses autres amis Africains, la Guinée connaît une période difficile à l’approche d’une élection présidentielle importante. Grégory Mathieu, de la Fondation pour la gouvernance et la démocratie, étudie les différents enjeux de cette amitié.

Empreintes d’un passé commun parfois douloureux, La France et la Guinée demeurent pourtant étroitement liées et entretiennent une amitié désormais historique. À l’heure où les troubles s’installent et viennent ébranler la Guinée toute entière, l’Institut Prospective & Sécurité en Europe (IPSE) se devait d’organiser une table ronde pour rappeler l’importance du rôle de la France face à cette situation aujourd’hui critique.

Un pays menacé par la guerre civile

Difficile de ne pas se rendre compte que le pays est au bord du gouffre, menacé en permanence par le spectre de la guerre civile. Les statistiques démontrent que la Guinée est devenue en quelques années l’un des pays à plus fort taux de demandeurs d’asile, tous cherchant à fuir une gouvernance asphyxiante. Malgré cela, la plupart des migrants sont directement renvoyés chez eux, sans doute parce que l’on estime que leur pays est stable, comme le confirme à qui veut l’entendre le Président Alpha Condé.

En vérité, la situation politique en Guinée, pays lointain de 11 millions d’habitants, ne semble guère intéresser nos décideurs politiques, nationaux ou européens. Un rapport serait-il à établir entre un tel désintéressement et les liens étroits qu’entretiennent le président Hollande et son ami Condé ?

Une arrivée au pouvoir douteuse

Laissons de côté les suppositions pour s’en tenir aux faits et constater simplement qu’il y a bien un problème quelque part : en 2010, Alpha Condé, opposant il est vrai historique des régimes militaires précédents, devient le premier président « élu démocratiquement ».

Voilà pour la légende car de nombreuses révélations dans la presse font état d’élections largement truquées par le principal intéressé, aidé par certains soutiens sud-africains. En effet, crédité de 17% à l’issue du premier tour du scrutin présidentiel, Alpha Condé réussi à se faire élire à 53% au second tour contre Cellou Dallein Diallo, pourtant crédité de 44% au premier tour.

Exploit relevant du miracle ? Magie d’un candidat qui opère ? Il s’agit juste de Waymark, opérateur technique imposé par Alpha Condé dans le processus et d’environ 14 millions de dollars versés pour ce service retouche après vote. D’où provient cette information ? De Samuel Mebiame, un ancien proche de président, qui en atteste comme le rapporte Mediapart. En 2015, la CENI (Commission électorale nationale indépendante) a d’ailleurs choisi un nouvel opérateur, la société française Gemalto, pour établir les listes électorales.

Contre cette aide financière et logistique pour accéder à la présidence, il a été promis de juteuses concessions minières dans un pays également au cœur d’un « scandale géologique » car renfermant les plus grandes réserves mondiales de bauxite (source d’aluminium) et le plus grand gisement de fer au monde.

En outre, Alpha Condé s’est assuré de pouvoir compter sur l’influence et les moyens de l’homme d’affaires George Soros, Tony Blair ou Bernard Kouchner, ce qui n’est certes pas interdit, mais dénué de raisons apparentes. L’amitié désintéressée serait-elle donc le motif premier d’un tel soutien ? Hypothèse peu probable…

Que se passe-t-il depuis 2010 ?

Des élections législatives étaient promises dans les six mois après l’intronisation. Elles ont été organisées trois ans plus tard, le 28 septembre 2013, dans des conditions obscures selon les observateurs européens présents sur place. Résultats desdites élections : victoire du parti présidentiel.

Entre temps, plusieurs personnes ont été tuées par des tirs à balles réelles émanant des forces de police lors de manifestations de masse de l’opposition, impatiente de voir le scrutin législatif se tenir.

Cette année, des élections présidentielles doivent être organisées. Difficile de décrire les programmes de candidats dont le but ultime est, pour l’un, de conserver le pouvoir, tandis que les autres cherchent à s’en emparer. Conspirations et manigances, voilà un vrai projet de vision !

Le prochain président est désormais censé œuvrer pour l’amélioration du sort de tous ses compatriotes, peu importe la tribu à laquelle ils appartiennent.

Que fait l’Europe pour aider la Guinée ?

La Guinée est toujours dans les tréfonds des classements internationaux en matière de pauvreté, développement humain et corruption. L’eau et l’électricité manquent dans la capitale, le chômage est au plus haut, les investisseurs fuient et par conséquent, les réfugiés affluent sur le continent européen.

Et pendant ce temps, que fait l’Europe ? Pas grand-chose, à part débloquer 174 millions du 10e FED (Fond européen de développement) pour le scrutin à condition qu’il soit transparent, équitable et inclusif.

Sinon, Madame Ashton, alors vice-présidente de la Comission européenne, se fendait de quelques communiqués laconiques après que quelques dizaines de jeunes opposants soient tombés sous les balles. Madame Mogherini, Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères, ne semble pas plus s’intéresser à ce qui présente les germes d’une poudrière.

L’Europe n’est ni plus ni moins qu’une complice du régime Condé. Peut-être ouvrira-t-elle enfin les yeux lorsqu’une barge supplémentaire de réfugiés guinéens s’échouera à Lampedusa, ou que le scénario ivoirien ou rwandais, se reproduira….

La France doit être vigilante

En attendant, on expulse le peuple guinéen en recherche désespérée de conditions de vie meilleures, sans même tenter de créer ces conditions optimales chez eux. En parallèle, Alpha Condé, qui a promis la force de l’État à ceux qui manifesteront contre le résultat de ses élections, est invité à Davos et au G20 ! Comprenne qui pourra !

L’Afrique est à un carrefour de son Histoire avec près de douze élections organisées en douze mois. La répétition du scénario de 2010 serait un véritable désastre pour les Guinéens qui tentent désespérément de survivre à une coalition politique au service des intérêts personnels de son dirigeant.

L’Europe et la France doivent être vigilantes et attentives en se montrant proactives et non réactives. Quant à François Hollande, qui semble tant attaché à l’amitié qui l’unit à Alpha Condé, il est de son devoir d’agir en chef d’état responsable et de dénoncer les manières douteuses de son camarade qui ne se soucie guère du sort de ses compatriotes.

Le sort du peuple guinéen dépend de l’implication française dans le processus électoral du 11 octobre prochain.

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