Guinée : une mise en garde contre la corruption et les pratiques de mauvaise gestion

Le « Projet des dividendes du développement » (Development Dividend Project), à NYU, que je dirige, examine la manière dont les pays en développement en Afrique peuvent tirer parti du commerce, des investissements et d’une bonne gouvernance.

Dans un article récent, nous avons entrepris une étude pour savoir si la Guinée, en Afrique de l’Ouest, a progressé depuis la transition vers la démocratie en 2010 (un deuxième scrutin contesté a eu lieu en octobre 2015).  Les conclusions de notre recherche sont véritablement décevantes à bien des égards.

La Guinée est classée au 179e rang dans l’indice de développement humain des Nations Unies sur 187 pays.  La place du pays dans l’indice a en vérité chuté depuis l’élection du président Condé en 2010.  55 % des Guinéens vivent dans la pauvreté – un autre indicateur qui s’est aggravé depuis bien avant les élections de 2010, et il est clair que le pays ne réalisera pas les objectifs d’éducation et d’alphabétisation fixés par les Objectifs du millénaire pour le développement des Nations Unies.  L’actualité économique n’est guère mieux.  Le taux de croissance annuel prévu de la Guinée de 4,5 % accuse un important retard par rapport aux taux de croissance régionaux et africains, ce qui signifie qu’il est bien en dessous de ses voisins et pairs.

Ce qui rend la situation encore plus tragique, c’est le fait que la Guinée est l’un des pays les plus riches, pas seulement d’Afrique, mais du monde, en termes de ressources naturelles, telles que le minerai de fer, la bauxite, l’or et les diamants.

Notre rapport examine les raisons pour lesquelles ce riche patrimoine naturel n’a pas abouti aux progrès du développement de ce pays.  La réponse se résume en deux idées : mauvaises pratiques de gestion et corruption.  L’exemple le plus frappant de ces deux échecs est incarné par le plus grand projet minier national : le site du minerai de fer de Simandou dans le sud de la Guinée.

Simandou est le plus grand gisement de minerai de fer inexploité au monde.  Des dizaines de milliards de dollars et des décennies d’exportations attendent d’être libérés, bien qu’aucun minerai de fer n’ait encore été exporté en 18 ans depuis la première découverte du gisement par le géant minier Rio Tinto.

Cela est dû en parti à l’inaction relevant de la décision du président Alpha Condé en 2012 de saisir les droits de la moitié du site de Simandou des exploitants miniers BSGR et Vale (l’autre moitié du site étant toujours détenue par Rio Tinto).  Condé a prétendu que les droits de BSGR et Vale ont été obtenus au moyen d’une conspiration de corruption.  Cette conspiration, également avancée par Rio Tinto, a été rejetée par un jugement d’un tribunal américain en novembre de cette année.  Une affaire au tribunal international ICSID (Centre international pour le développement industriel durable) entre la BSGR et le gouvernement guinéen est en cours.  En attendant, aucun minerai de fer n’est exporté de quelque endroit que ce soit sur le site de Simandou.

Que doit-il se passer maintenant ?

Une première étape exige que le gouvernement soit sérieux concernant les modalités pratiques du projet.   Toutes les sociétés impliquées conviennent que le minerai de fer de Simandou doit être exporté par le Libéria voisin vers un port en eau profonde à des fins d’exportation.  Le président Alpha Condé insiste à l’inverse sur la construction d’une nouvelle ligne de chemin de fer pour l’exportation qui traverserait la Guinée, ce qui serait plus lent, plus difficile et plus onéreux.

L’approche du gouvernement est hypocrite.  L’exploitant Sable Mining, inscrit sur la liste des exploitants britanniques, s’est vu accorder une licence d’exportation à travers le Libéria pour un plus petit projet minier dont il est chargé à Mount Nimba, au sud de la Guinée.  Pourquoi une licence a-t-elle été accordée à Sable pour le faire, tandis qu’aucune licence n’a encore été accordée aux sociétés impliquées à Simandou ?

Sable Mining fait l’objet d’une enquête en raison du soutien financier à la première campagne électorale d’Alpha Condé en 2010, à l’issue de laquelle l’exploitant s’est vu accorder les droits pour Mount Nimba.  A priori, Sable aurait versé 6 millions USD en honoraires de services de conseil à Aboubacar Sampil, un ami très proche de Mohamed, le fils d’Alpha Condé, et un proche conseiller du président.  Le gouvernement doit cesser d’accorder de telles faveurs particulières et se concentrer sur les étapes pratiques qui feront avancer tous les projets miniers.

 

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