Guinée : du sel solaire pour lutter contre le déboisement

Produire du sel en utilisant uniquement l’énergie du soleil : c’est le système mis en place par une ONG guinéenne, il y a quatre ans, sur le littoral atlantique du pays. Déjà utilisé ailleurs dans le monde, ce système est novateur en Guinée-Conakry, où il a permis de sauver des dizaines d’hectares de forêt. Tout en augmentant la production de sel.

L’ONG « Réseau guinéen des zones humides » a mis en place cette technique dans les districts de Poukhoun et Sobanet, dans la région de Boké. Dans cette zone, la principale ressource est la mangrove, une forêt d’arbres poussant sur le littoral, typique des régions tropicales. Mais celle-ci est menacée par la production de sel, telle qu’elle est réalisée traditionnellement dans le pays.

écé Noël Kpoghomou est le président du « Réseau guinéen des zones humides », qui fonctionne depuis 2008.

La superficie des mangroves ne cesse de diminuer en Guinée. En 1956, elles occupaient 350 000 hectares, contre 250 000 hectares une quarantaine d’années plus tard, selon une étude du Schéma directeur d’aménagement de la mangrove (SDAM), réalisée en 2000.

Ce défrichement est dû au développement des activités agricoles – notamment rizicoles – et à l’exploitation commerciale du bois. De plus, beaucoup de gens coupent du bois pour l’utiliser comme combustible, sans que cela ne soit contrôlé : ils s’en servent comme source d’énergie domestique, pour le fumage du poisson ou la production de sel, telle qu’est réalisée traditionnellement.

« Avec la technique traditionnelle, il faut brûler trois kilos de bois pour obtenir un kilo de sel »

La technique traditionnelle consiste à récupérer une poudre à marée basse, en grattant le sol. Puis on verse de l’eau de mer dessus, après l’avoir filtrée : on obtient alors de la saumure [une solution beaucoup plus salée que l’eau de mer, NDLR]. La saumure est ensuite placée dans des bacs au-dessus du feu. L’eau s’évapore alors, ce qui permet de récupérer le sel.

Mais le problème, avec cette technique, c’est qu’il faut brûler trois kilos de bois environ pour obtenir un kilo de sel, ce qui contribue à la déforestation.

« Le sel se cristallise sous l’action du soleil et du vent »

Nous avons donc développé une autre technique pour produire du sel : après avoir récupéré la saumure, on place des bâches en plastique de 10m2 sur le sol, contre des rebords fabriqués avec de l’argile. Ensuite, on verse 100 litres de saumure sur chaque bâche. Sous l’action du soleil et du vent, le sel se cristallise : on peut en obtenir 15 à 20 kg au bout d’une journée.

En fait, cette technique est utilisée depuis des siècles, en France par exemple. Mais il a fallu attendre les années 1990 pour qu’elle soit introduite en Guinée, notamment par l’association française « Charente-Maritime coopération ». Une Guinéenne qui avait été bénévole dans cette association nous a ensuite enseigné cette technique, et nous avons lancé notre propre projet en décembre 2012.

Depuis, nous avons formé 71 femmes à cette technique – car ce sont les femmes qui produisent traditionnellement du sel en Guinée. Elles se consacrent essentiellement à l’agriculture durant l’année, mais elles produisent aussi du sel de février à mai, la période la plus chaude de l’année, donc la plus propice à la saliculture solaire.

« Cette technique permet aux femmes d’être plus productives »

Cette technique présente trois avantages par rapport aux méthodes traditionnelles. Déjà, cela évite d’utiliser du bois de mangrove : on estime ainsi que les femmes que nous avons formées ont déjà sauvé 170 hectares de forêt depuis 2012.

Ensuite, le rendement est plus élevé : une personne seule peut gérer une vingtaine de bâches et produire jusqu’à 400 kg de sel par jour, contre 80 à 100 kg avec la technique traditionnelle. Environ 135 tonnes de sel ont ainsi déjà été produites par les femmes que nous avons formées. Se consacrer à la saliculture durant quatre mois dans l’année, en plus de l’agriculture, leur permet donc d’avoir des revenus suffisants pour vivre. D’ailleurs, lorsque le projet a été lancé, les femmes n’avaient que 600 bâches. Mais grâce à leurs gains, elles ont pu en acheter d’autres, et elles en ont désormais trois fois plus.

Enfin, cette technique permet de gagner du temps. Une fois que la saumure a été versée sur les bâches, les femmes peuvent s’occuper de leurs enfants ou travailler dans les champs, ce qui n’est pas possible lorsqu’elles doivent surveiller le feu.

Cette initiative fait partie de celles ayant été sélectionnées dans le cadre des « Trophées Initiatives Climat-COP22 » pour les pays d’Afrique francophone. Le « Réseau guinéen des zones humides » souhaite désormais former d’autres communautés à la saliculture, afin de continuer à lutter contre le déboisement.

Source : les observateurs de France24

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